COMMENTAIRE DE L'ÉVANGILE DE SAINT JEAN
TÉMOIGNAGE DE SAINT JEAN-BAPTISTE / 1, 19 - 1, 34
19. Voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? »
Dieu n'a pas besoin du témoignage des hommes. Ils sont trois dans le ciel qui se rendent témoignage, et leur témoignage est irrécusable, et ils peuvent se rendre témoignage parmi les hommes, non seulement par des paroles, mais par des oeuvres éclatantes. Cependant, sur la terre, Dieu veut associer l'homme à la gloire de ses oeuvres. C'est pourquoi il annoncera son évangile par les hommes et il se fera des témoins avec des martyrs. Saint Jean prélude au rôle des apôtres et des martyrs. Il est apôtre tandis qu'il annonce la venue du Messie, et plus tard il sera martyr par l'effusion de son sang ; et toujours il sera témoin. Et il est éminent entre les témoins : c'est pour être témoin que Dieu l'a fait naître et qu'il l'envoie précurseur du Verbe Incarné. L'apparition de Jean est comme l'aube de Jésus-Christ. Or, quand le jour commence à luire, les hommes commencent à remuer et à sortir de leur sommeil. Ainsi les membres du Sanhédrin. Ils ont raison. Malheur à qui ne remue point, à l'approche de la lumière, et qui semblable à un rocher inerte et infécond demeure indifférent. Quand approche la lumière du printemps, tous les germes s'émeuvent et tressaillent, tout bourgeonne, tout verdit.
Dans l'ambassade du Sanhédrin, il y a des prêtres et des lévites. Les prêtres étaient les théologiens de l'ancienne loi ; les lévites leur servaient d'escorte d'honneur ; et ils pouvaient eux aussi être témoins autorisés du témoignage de Jean ; car eux aussi connaissent la loi et peuvent l'enseigner, surtout s'ils sont scribes ou docteurs. Tu quis es ? Qui êtesvous, qu'enseignez-vous ? de qui tenez-vous votre mission ? Est-elle en conformité avec la loi et l'attente d'Israël ? Nous sommes au temps où le Messie doit venir : seriez-vous le Messie ? avez-vous quelque rapport avec lui ? Le Sanhédrin, dépositaire et gardien de la Loi nous députe pour vous interroger.
20. Et Jean confessa et il ne nia point, et il confessa : « Je ne suis pas le christ. »
La vanité volontiers atténue, voile, fait entrevoir, laisse entendre, et sans y paraître, capte le regard et l'estime, et cependant dissimule ses désirs intérieurs, dont elle rougirait, s'ils apparaissaient au jour. L'humilité est simple et franche d'allure ; l'estime des hommes et l'ambition secrète, elle en est libre ; c'est pourquoi elle se possède et parle sans trouble. Saint Jean est humble : vous voulez savoir si je suis le Christ ? — Eh bien non, je ne le suis pas. Il serait resté sur cette ferme négation, mais on insiste.
21. « Quoi donc ? es-tu Élie ? » Et il dit : « Je ne le suis pas. » « Es-tu prophète ? » Et il répondit : « Non. »
Jésus-Christ, au contraire, dira de Jean-Baptiste qu'il est Élie, parce que son excellence est égale ou supérieure à celle de l'antique et fameux prophète ; mais comme il n'est pas en personne cet Élie enlevé autrefois dans les airs sur un char de feu, et qui doit revenir un jour sur la terre, Jean-Baptiste peut répondre, et il répond : « Je ne le suis pas. » — Es-tu prophète ? — Quel prophète distinct du Messie les Juifs attendaient-ils ? — On ne le sait pas au juste. Mais un des rôles du prophète étant de prédire l'avenir, comme saint Jean ne fait pas de prophéties, il peut répondre, et il répond : « Non, je ne le suis pas. »
O âme de Jean-Baptiste vraiment libre des préoccupations, des anxiétés intérieures de ceux qui tiennent à l'estime et à la gloire, à l'avancement dans les charges et aux honneurs ! âme vraiment libre et pacifiée qui ne dépend que de Dieu, et n'a d'autre souci que le devoir ! Ame lumineuse et transparente qui n'a ni pensées ni désirs à cacher !
Rien ne nous fait libres comme le dégagement de tout amour-propre. — Rien ne nous fait aimables comme l'humilité. Rien ne nous fait beaux et divins comme l'amour pur de Dieu !
Le vaniteux, l'ambitieux sont esclaves de mille attaches et de mille pratiques secrètes par où ils s'efforcent d'arriver à leur but ; ils ont besoin de cacher mille pensées et mille désirs ; ils ont besoin de surveiller deux scènes, la scène intérieure où nul que le propre esprit n'est admis, et la scène extérieure, qui se joue à fleur de visage et de paroles, et où on ne laisse monter des cachettes du coeur que les sentiments jugés avouables, et colorés de modestie, de désintéressement et de noblesse.
Et cela fait l'homme double. Et Dieu n'aime pas la duplicité, mais la simplicité, d'autant qu'il n'y a point de masque qui arrête son regard, mais qu'à travers tous les masques, il voit la laideur et les souillures du coeur.
Saint Jean-Baptiste humble et franc est beau aux yeux de Dieu ; il est libre devant les envoyés du Sanhédrin comme il le sera plus tard devant Hérode.
§ 6. Saint Jean-Baptiste, voix dans le désert
>22. Les envoyés lui dirent donc : « Qui es-tu, pour que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés ? »
Saint Jean affirme qu'il n'est rien de ce qu'on croyait ; mais une ambassade solennelle ne peut revenir avec cette simple et catégorique négation ; elle sollicite donc une réponse positive qui satisfasse la légitime curiosité du Sanhédrin, de qui relèvent toutes les affaires intéressant la religion. — Qui êtes-vous donc ? Il répondit :
23. « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : rendez droite la voix du Seigneur, comme l'a dit le prophète Isaïe. »
La réponse ne se fait pas attendre : elle est claire, ferme, humble. Je suis une voix. Rien de plus inconsistant que la voix qui retentit et qui meurt. Et encore il n'est pas le principe de cette voix ; c'est un autre qui crie par lui ; il n'est qu'un porte-voix et comme un instrument manié par un autre. C'est un aveu de faiblesse et de dépendance, c'est un acte d'humilité ; mais aussi un principe de force et d'indépendance à l'égard des hommes. Car cette docilité et cette humble dépendance à l'égard de Dieu font de lui un homme de Dieu, un instrument de Dieu, à travers lequel passe une force divine irrésistible. La vanité nous soustrait à l'action de Dieu : c’est un principe de faiblesse et d'impuissance. Mais que ne peut le plus humble des instruments quand il est manié par Dieu. Samson n'avait qu'une mâchoire d'âne entre les mains, et cependant il abattit dix mille Philistins. De quoi ne pouvons-nous pas être capables entre les mains de Dieu ? C'est pourquoi saint Paul a dit : « Je puis tout en Celui qui me fortifie. » Il a dit aussi : « Dieu choisit la faiblesse pour confondre la force. » — Le propre de l'instrument, c'est de n'avoir d'autre mouvement que celui qu'il reçoit de l'agent principal, et de se mouvoir selon cette direction supérieure, sans lui résister jamais ou s'y soustraire. Pour être un bon instrument, il faut donc être mort à soi ; car il faut choisir : ou être manié par notre amour-propre, ou être manié par l'esprit de Dieu, sa grâce et son amour.
Saint Jean est mort à l'amour-propre : point de gloriole, point d'attache à son repos ; il ne craint point sa peine : il est donc propre à être manié par Dieu. Comment sa parole ne serait-elle pas puissante et efficace. Le fluide divin passe par lui, comme le fluide électrique passe dans le fil conducteur et va éclairer et embraser.
« Je suis la voix de celui qui crie dans le désert ! » La voix de Dieu, nous dit l'Écriture, est puissante ; elle fait partir la foudre, brise les cèdres, soulève ou calme la mer ; elle peut aussi briser l'orgueil, apaiser les passions, soulever l'homme au-dessus du péché. Cependant, comme pour le monde physique, il y a des lois qui régissent le monde moral et surnaturel. Une de ces lois veut que Dieu parle aux âmes et les transforme surtout dans la solitude : ducam eam in solitudinem et ibi loquarad cor ejus ! Quand notre coeur est plein des bruits de la terre, il entend mal les voix du ciel. Dans la solitude, tous bruits éteints, Dieu se fait mieux entendre. Saint Jean est allé dans la solitude, où il a vécu longuement dans la prière et le jeûne ; il y a entendu la voix de Dieu : et c'est cette voix dont maintenant il prolonge l'écho. Et que dit cette voix ? « Rendez droit le sentier du Seigneur : aplanissez-le. » Le Messie a déjà fait son entrée dans ce monde ; il fera bientôt son entrée dans le temple ; il veut faire son entrée dans le coeur de tous les hommes : il faut préparer la route à son divin passage. Quand on voulait faire entrer un vainqueur dans Rome, on abattait un pan des murs. Pour préparer l'entrée du Messie, que les montagnes d'orgueil s'écroulent ; que les vallées de la pusillanimité, de la sensualité, du respect humain se comblent ; que les voies tortueuses de l'amourpropre et de l'ambition se redressent.
Pour moi, je marche devant celui qui doit venir et que tout Israël attend. Que chacun se prépare : voici l'heure de Dieu.
La réponse de Jean-Baptiste est pleine d'humilité et de grandeur aussi, car il n'y a rien de plus grand que l'humilité qui nous vide de nous et nous remplit de Dieu.
24. Or ceux qui lui avaient été envoyés étaient du nombre des Pharisiens.
Que ce mot de Pharisien sonne mal aujourd'hui à nos oreilles. Ils étaient alors des ultra-conservateurs des traditions religieuses ; ils s'y drapaient comme dans une toge de gloire et d'orgueil aussi. Ils se prévalaient de cet extérieur impeccable pour censurer ce qu'ils estimaient un manquement en matière religieuse. A ce titre, ils auront plus d'une critique à adresser à Notre-Seigneur. Non contents d'observer les prescriptions de la loi, ils les avaient multipliées à plaisir, jusqu'à oublier l'esprit de la loi et la pratique de la vertu vraie et intérieure que Dieu demande d'abord. C'est pour cela que Notre-Seigneur les appellera des sépulcres blanchis. Ils avaient fait une sorte d'étiquette religieuse formaliste et compliquée ; et ils mettaient leur gloire à en être les gardiens rigides. Saint Jean-Baptiste baptisait : c'était une innovation : qui lui en donnait le droit ?
>25. Ils l'interrogèrent donc et, lui dirent : « Pourquoi baptises-tu, si tu n'es pas le Christ, ni Élie, ni le prophète ? »
Le Christ pourrait baptiser, car il est écrit de lui dans Ézéchiel (XXXVI, 25) : Effundam super vos aquam mandant et mundam et mundabimini ab omnibus inquinamentis vestris : Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures. Peut-être encore Élie et le prophète, ses précurseurs attitrés, le pourraient aussi, mais vous dites que vous n'êtes ni le Christ, ni le prophète, ni Élie ?
26-27. Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l'eau, mais au milieu de vous est celui que vous ne connaissez pas. — C'est lui qui doit venir après moi, et qui me passe devant ; et je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure. »
Dieu atteint à ses fins progressivement, sans brusquerie et sans secousse, avec puissance et douceur : attingens a fine ad finem fortiter, et pour cela il enchaîne toutes choses avec un doigté divin, et disponens omnia suaviter. Il n'a pas fait la Révélation d'un seul coup, avec un éclat subit et éblouissant, mais par degrés. Depuis la Genèse, les patriarches et les prophètes jusqu'à l'Évangile et l'Apocalypse, quelle progression ! C'est que l'ordre de la grâce est à l'image de la nature. Dans l'ordre naturel tous les êtres vivants partent de germes très humbles et montent peu à peu jusqu'à l'état d'organisation parfaite qui leur est propre. L'œuvre surnaturelle de Dieu marche par des progressions analogues. C'est par degrés que Jésus se révèle aux âmes. Heureux ceux qui sont fidèles aux premières avances de la lumière divine ; ils monteront d'un degré à un autre, comme par une échelle éclatante qui va se perdre dans le plein jour du Ciel. Mais ceux qui sont infidèles tombent en bas dans la région des ténèbres, du doute, de l'orgueil, de la haine, de la vie manquée et du vide désolant.
Voici que peu à peu le Messie va se révéler aux Pharisiens. Je baptise, dit saint Jean-Baptiste à leurs envoyés, mais mon baptême n'est qu'un symbole et une préparation. Le baptême de celui qui va venir sera non un signe, mais une réalité ; il purifiera les âmes par la vertu de l'Esprit, feu divin et divinement purifiant. Je vous annonce qu'il va venir : que dis-je ? Il est au milieu de vous ; mais vous ne le connaissez pas. Pourtant si vous prenez tant de peine, pour savoir qui je suis, quelle ardeur ne devez-vous pas avoir pour connaître qui il est. Cherchez. : vous le découvrirez, car il est la lumière de ce monde, et il se révèle aux humbles.
28. Cette scène se passait à Béthanie, au-delà du Jourdain où Jean baptisait ; un peu-au nord de la mer Morte.
Là il devait y avoir un gué ou des barques pour passer le fleuve, et un confluent de chemins divers qui amenaient les Israélites de la Judée, de la Galilée, de la Pérée et des autres tribus de la Palestine. Aussi la renommée de Jean, de sa vie austère, de sa prédication, de son baptême, s'était répandue au loin et avait ému même Jérusalem. Le Sanhédrin lui avait envoyé son ambassade. Les simples et les humbles venaient eux-mêmes, et plusieurs d'entre eux passeront de l'école de Jean à celle de Jésus et seront ses disciples et ses apôtres.
§ 7. L'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde
28. Le jour qui suivit l'ambassade du Sanhédrin, Jean vit Jésus venir vers lui et il dit : « Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui ôte le péché du monde. »
A qui Jean-Baptiste dit-il cela ? A tous ceux qui l'entouraient, à ceux surtout qui, non contents de s'arrêter un moment comme des voyageurs et des curieux, s'attachaient à lui comme disciples et ne se rebutaient ni de sa vie austère, ni de sa franche et rude parole.
Si les députés du Sanhédrin, ces savants, ces honorés de ce monde n'avaient pas craint la vie pauvre et dure et la compagnie des humbles et des pécheurs qui accouraient vers Jean, s'ils étaient restés encore un jour, que n'auraient-ils pas vu et entendu ? Mais ils étaient partis ; ils s'en étaient allés avec des documents qui devaient permettre aux Sanhédrites de juger la mission du Précurseur et de régler cette question religieuse. Peut-être Jésus les croisa-t-il sur la route et soupira-t-il ce qu'il dira plus tard aux foules : « Père, je vous rends grâces de ce que vous avez révélé ces choses aux humbles et de ce que vous les avez cachées aux superbes. »
Saint Jean donc voyant venir Jésus s'écria devant ses auditeurs et ses disciples : « Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. » Quelle parole ! C'est un sommet lumineux : tout l'Évangile en est éclairé ! toute l'histoire du monde en est illuminée ! Jésus-Christ est l'agneau de Dieu, l'agneau victime qui efface les péchés du monde ; c'est pour cela qu'il est venu sur la terre ; c'est de cela que les hommes avaient le plus pressant besoin. Sans Jésus victime, ils restaient souillés et enfoncés dans leurs péchés ; ils étaient impuissants à sauver leurs âmes et à donner à Dieu réparation, justice, gloire et amour.
Les agneaux qu'on immolait par centaines de mille dans le temple de Jérusalem, ceux surtout qu'on immola en Égypte avant la sortie d'exil, et dont le sang, marquant les portes des Israélites, sauva de la mort leurs premiers-nés, n'étaient que des figures de Jésus. Jésus leur ressemble par son innocence et sa douceur et son immolation silencieuse. Il est l'Agneau dont Isaïe prophète-évangéliste décrit par avance l'immolation et la douceur divine au milieu des tourments. Il est, l'Agneau que saint Jean nous montre dans son Apocalypse, immolé au pied du trône de Dieu, prenant sur lui la cause de tous les élus et les purifiant dans son sang. Il est l'Agneau de Dieu, car il est la charité divine et la miséricorde incarnée, et la victime douce, pure et parfaite qui paie à Dieu une juste rançon, et lui donne l'honneur, la gloire et l'amour dont il avait été frustré. Et c'est pourquoi Dieu met en lui toutes ses complaisances.
Il est l'Agneau qui efface le péché d'Adam dont toute la race humaine a été infectée ; et les péchés personnels de tous les hommes, de tous les lieux, de tous les temps : péchés nombreux comme les gouttes d'eau qui forment les rivières, les fleuves et les mers.
La voilà qui passe cette belle victime, embaumée de tous les parfums de la divinité, embellie de toutes les grâces humaines. Hommes fatigués, et souillés, venez respirer les parfums de son sang, y purifier toutes vos lèpres, y éteindre les fièvres de vos passions, et y puiser le goût de la vie véritable. Si vous avez horreur de la mort, si vous aimez la vie, venez vers cet Agneau de Dieu : dans son sang et, son coeur sont renfermées les sources de la vie éternelle. Dans une ville foudroyée par le choléra, si la vie passait dans les rues ! dans un champ de bataille où des peuples entiers s'entretuent, où des milliers de mourants râlent, si la vie passait offrant de guérir toute infection, toute blessure, et de détruire la mort ! L'Agneau de Dieu détruit la mort et donne la vie véritable, auprès de laquelle celle du corps n'est rien. — Agneau de Dieu, hâtez-vous de passer à travers le grand champ de bataille du monde, où les hommes gisent, cadavres désertés par la vie éternelle ; et sur tous les points du globe, suscitez des JeanBaptiste qui crient d'une voix puissante aux mourants et aux morts, et sur tous les tombeaux : « Voici l'Agneau de Dieu qui efface les péchés du monde, qui détruit la mort et donne la vie ! »
Et dire que beaucoup d'âmes blessées à mort ne se soucieront pas d'approcher de l'Agneau de Dieu : et sui eum non receperunt. — Mais bienheureux ceux qui lavent leur robe dans le sang de l'agneau : heati qui lavant stolas suas in sanguine Agni.
30. « C'est de lui que j'ai dit : un homme vient après moi, qui est passé devant, parce qu'il était avant moi. »
Le serviteur court devant pour écarter la foule et préparer au prince un libre passage. Jésus est le prince : je ne suis que le serviteur ; il est de race royale et divine, je ne suis qu'un homme. Avant de naître, il était, car il est éternel ; et c'est volontairement qu'il est né dans le temps et s'est fait homme semblable à nous.
31. « Et moi je ne le connaissais pas ; mais c'est afin qu'il fût manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l'eau. »
Oh ! je savais bien que, par sa présence, j'avais été sanctifié dans le sein de ma mère ; je savais bien que je préparais les voies à l'envoyé de Dieu, dont je ne suis que l'humble satellite ; mais sa face auguste à qui les années ont apporté toute la splendeur de la dignité humaine, je ne la connaissais pas : depuis si longtemps je vis dans la solitude du désert ! Mais maintenant, à la clarté de la révélation qui m'a été faite, lors de son baptême, je connais mieux non seulement son visage, mais sa dignité et sa mission. Car se mêlant à la foule, il a voulu être baptisé par moi, et c'est moi bien plutôt qui aurais dû être baptisé par lui. Et je résistais ; mais il m'a pressé, disant qu'il était juste qu'il s'humiliât, et qu'ainsi il rachetât l'orgueil des pécheurs. Mais Dieu qui exalte les humbles, l'a exalté à mes yeux par une voix venue du ciel qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toutes mes complaisances. » A mon tour, je dois concourir à la manifestation et à la glorification du Fils de Dieu. Mon baptême n'est que l'ombre du sien ; et si je prêche la pénitence, c'est pour préparer les cœurs à ses opérations divines.
32. « Et je lui rends encore témoignage en disant : J'ai vu l’Esprit descendre sur lui comme une colombe, et il s'est reposé sur lui. »
Isaïe avait dit (XI, 2) : « L'Esprit de Dieu reposera sur lui. » Si cette partie des oracles d'Isaïe s'est accomplie, toutes les autres merveilles que ce prophète a annoncées sur le Messie s'accompliront aussi : ses miracles, sa prédication, son étonnante passion, sa mort, sa résurrection. Cette descente du Saint-Esprit est donc comme un grand éclair qui illumine l'avenir jusqu'aux horizons reculés : c'est un signal des merveilles à venir.
L'Esprit de Dieu est sur Jésus : il s'y repose, comme un roi se repose dans sa tente royale : Esprit de céleste douceur et de céleste pureté.
33. « Et je l'ignorais, dit Jean ; mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, m'a dit : « Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et se reposer, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint. »
Ainsi c'est l'Esprit qui mène tout dans l'œuvre surnaturelle de Dieu. C'est l'Esprit qui m'a amené dans le désert et la solitude, pratiquer la pénitence ; c'est l'Esprit qui m'a amené sur les bords de ce fleuve baptiser d'un baptême de pénitence. C'est ce même Esprit qui a illuminé les yeux de mon âme et m'a fait distinguer le Christ humilié et confondu dans la foule. A sa lumière :
34. « J'ai vu et j'ai rendu témoignage que Jésus est le fils de Dieu »,
non par adoption mais par nature, et à qui Dieu le Père donne tout son amour.
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