QUATRIEME SECTION
VINGT-TROISIÈME JOUR
Plan de la méditation. — Nous l’avons déjà pu remarquer : ce mystère de persécution et d’exil nous dépeint admirablement les traits caractéristiques d’une vie foncièrement chrétienne. L’histoire du retour dans la patrie achève ce tableau. Nous verrons dans trois points, le rappel, le retour de la sainte Famille, et la conduite de Marie dans les circonstances de ce rappel et de ce retour.
MÉDITATION
« Accipe puerum et matrem eius, et vade in terram Israel. » (Mt 2, 20).
Prenez l’enfant et sa mère et retournez au pays d’Israël.
1er PRELUDE. — C’est encore au milieu de la nuit que l’ange avertit Joseph de la mort d’Hérode. À cette communication il joint l’ordre exprès de retourner aussitôt dans la terre d’Israël. Immédiatement la sainte Famille s’apprête à obéir. Mais redoutant l’animosité de l’un des fils d’Hérode, Archélaüs, Joseph délibère sur la conduite à tenir et consulte Dieu. Divinement éclairé pendant son sommeil, il prend le chemin de la Galilée, et s’établit de nouveau à Nazareth. Les prophètes avaient dit que le Messie s’appellerait Nazaréen.
2e PRELUDE. — Figurons-nous l’intérieur modeste où la sainte Famille est retirée ; puis la route qui les ramène au pays d’Israël.
3e PRELUDE. — Demandons instamment la grâce d’une parfaite docilité aux vues de Dieu sur nous.
I. — LE RAPPEL
I — 1. N’est-il pas étonnant, tout d’abord, que le nouveau message soit transmis pendant le sommeil, alors que rien ne pressait, qu’un certain temps s’était même écoulé depuis la mort du persécuteur ? L’ange ne s’était pas hâté (Voyez KNABENBAUER, sur ce passage.), semble-t-il, d’annoncer l’événement qui permettait le retour. Pourquoi ne pas rentrer tout à l’aise dans la patrie ? Aucun délai cependant n’est accordé à la sainte Famille. « Levez-vous, prenez l’enfant et sa mère », absolument comme quand il s’agissait d’échapper à la mort. Joseph obéit ponctuellement, sans se plaindre.
Admirons cette prompte docilité ; comprenons-en toute la raison d’être. Dieu, maître de ses dons, les dispense à sa guise. L’Esprit souffle où il veut et quand Il veut. Notre rôle est de suivre ses inspirations, et de trouver la plus urgente raison d’agir dans la suprême volonté de Celui qui commande. Différer d’obéir, c’est s’exposer à perdre l’occasion divinement ménagée d’obtenir un grand bien, d’éviter un grand mal.
II. — Si Joseph obéit si aisément, c’est que rien ne l’attachait à l’Égypte. Voulons-nous être libres ? Passons par la condition requise : c’est encore le détachement. Examinons si nous ne sommes retenus par aucune chaîne du côté des personnes et des choses, des chances heureuses ou malheureuses ; si rien ne nous empêcherait d’exécuter n’importe quelle volonté de Dieu. C’est toujours à notre détriment que nous nous créons des servitudes.
II. — LE RETOUR
(Le temps de l’exil dura peu ; moins d’une année peut-être.)
I — Joseph exécute promptement l’ordre donné, mais sans précipitation téméraire. Malgré la voix surnaturelle qui s’est fait entendre, il se sert de sa raison. Il consulte, délibère. Bien loin de déplaire à Dieu, cette prudence vaut au père légal de Jésus une nouvelle lumière, et elle sert à l’accomplissement des oracles prophétiques. Il avait été prédit que le Christ serait appelé Nazaréen (Mt 2, 23).
II — Comprenons bien cette sage disposition de la Providence. Dieu, l’auteur de la nature comme de la grâce, ne nous conduit pas par des voies qui rendraient l’usage de nos facultés inutile. L’erreur contraire a mené à toutes sortes d’extravagances. La raison ne cesse pas d’être docile parce qu’elle s’exerce même à propos des conseils divins. Se dispenser de l’emploi, souvent laborieux, de notre intelligence, ce n’est pas nous montrer plus fidèles à Dieu ; c’est nous exempter de l’effort, c’est soustraire à la grâce notre coopération active, c’est prendre le parti plus commode de la paresse.
III. — LA CONDUITE DE MARIE
I. — Dans tout ce mystère, Marie ne semble avoir aucune part. C’est qu’elle se contente de suivre son saint époux et d’obéir. Et en réalité Joseph, non Marie, reçut l’ambassadeur d’en haut. Remarquons donc que les faveurs qui ne rendent pas plus agréables à Dieu, ne sont pas tant distribuées suivant le mérite de chacun qu’adaptées au rôle à remplir.
II — Par conséquent, la confiance dans la direction, la docilité de notre soumission, ne doivent pas se mesurer sur le mérite des Supérieurs légitimes. Tant qu’ils commandent avec droit, nous ne saurions mieux nous assurer de faire la volonté de Dieu qu’en exécutant fidèlement et loyalement les ordres qu’ils nous imposent. Ce n’est pas à dire que Dieu les assiste au point de les préserver miraculeusement de toute méprise : une fausse manœuvre peut faire perdre des batailles ; mais l’indiscipline des soldats serait autrement dommageable. Et dans l’ordre spirituel, l’erreur pratique du Supérieur ne saurait enlever à l’obéissance le mérite qui conduit à la conquête définitive du bonheur éternel.
COLLOQUE
Dans le colloque, demandons l’esprit de foi nécessaire à cette docile et parfaite obéissance. Supplions tour à tour Joseph, Marie, Jésus, de nous obtenir ou de nous accorder une vie inspirée par les mêmes principes dont le mystère de la fuite en Égypte nous offre une si touchante application. Ave Maria !