LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

DIXIÈME SAMEDI

Les grâces « gratuitement données(Ce terme de convention, traduit littéralement du latin gratia gratis data, est expliqué dans le premier point.) » à la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — Après un coup d’œil général sur les grâces « gratuitement données », nous admirerons celles qui furent accordées à la Sainte Vierge, et nous raisonnerons sur celles qui peuvent nous échoir en partage.

MÉDITATION

« Astitit regina a dextris tuis in vestitu deaurato, circumdata varietate ». (Ps 44, 10).

La reine est à votre droite, dans son vêtement doré, dans la splendeur de ses divers ornements.

1er PRELUDE. — Dans la maison de Nazareth, l’ange ravi de la grandeur de Marie, la proclame pleine de grâce.

2e PRELUDE. — Demandons la grâce de recevoir humblement et d’utiliser avec l’empressement de la reconnaissance les libéralités divines, à l’exemple de notre Mère.

I — LES « GRÂCES GRATUITEMENT DONNÉES,
EN GÉNÉRAL

I — 1. Les dons de Dieu sont tous l’effet d’une libéralité gratuite. Ceux de l’ordre surnaturel empruntent à leur dignité même un nouveau caractère de gratuité : ils dépassent le besoin et l’exigence de toute nature créée.

Cependant certains bienfaits de cet ordre, telles la grâce sanctifiante, les vertus infuses et l’aide des grâces actuelles, tendent directement à notre sanctification et sont dès lors dispensés à tous, puisque Dieu veut sincèrement sauver tous les hommes (Tm 2, 4). Si les premières avances sont gratuites, l’augmentation de ses dons peut être méritée. D’autres dons, au contraire, ont moins en vue l’avantage spirituel de celui qui en est favorisé que l’utilité générale de l’Église. Ne suivant et ne conférant aucun mérite direct, et réservés à quelques-uns, ils sont gratuits à un titre nouveau et reçoivent de ce chef dans la théologie le nom de grâces gratuitement données (On les désigne aussi par le nom grec de charismes qu’emploie S. Paul, charismata, 1re épître aux Corinthiens, 12, 7-12.).

Nous pouvons encore les diviser en deux genres. Au premier genre se rapportent les fonctions dont on est investi, les charges que l’on doit remplir, avec les pouvoirs requis à cet effet, les talents naturels et les secours, même surnaturels, dispensés aux titulaires pour le bien général de la société. Nommons la juridiction, l’infaillibilité, le sacerdoce. Au second genre, plus strictement entendu, appartiennent des faveurs que ne réclame même pas une nécessité commune d’ordre social. Celles-ci relèvent d’une économie extraordinaire, qui n’a d’autre formule que celle-ci : l’Esprit souffle où Il veut.

Ce sont des grâces de connaissance : tels la prophétie, le discernement des esprits ; de langage : don des langues, onction particulière pour expliquer les choses de la foi et en insinuer les suaves persuasions ; ou bien encore d'action : grâce des miracles, des guérisons.

De pareilles faveurs confirment la foi, sont l’occasion de grands biens. Quel mouvement de piété provoqué par les révélations faites à sainte Marguerite-Marie, par les apparitions de Lourdes !

Sans être méritoires en elles-mêmes, elles constituent pourtant un ornement de l’âme ; et le bon usage que l’on en fait est digne de louange et de récompense.

Cependant, par esprit d’humilité, les saints fuyaient les honneurs d’ici-bas, et appréhendaient de recevoir les grâces gratuitement données.

II. — Tout autre est l’esprit du siècle. Il pousse aux ambitions, et il remplit l’histoire de luttes, de rivalités, d’intrigues et de haines. Combien plus profitable au monde est l’esprit chrétien ! En écartant les compétitions jalouses, il rapproche les hommes et donne la place d’honneur au plus méritant.

Tâchons d’adopter cet esprit. Si la voix des Supérieurs, la nécessité des circonstances, font réellement de notre élévation une condition du bien général, qu’alors aucune crainte étroite, pusillanime, ne nous arrête. Mais dédaignons les menées et les tortuosités ambitieuses. Contentons-nous volontiers du rôle d’inférieurs. Ce parti, le plus prudent pour nous-mêmes, est le plus avantageux au bien général. On nuit déjà, en poursuivant d’une façon inquiète le pouvoir et les rôles brillants.

II. — LES GRÂCE GRATUITEMENT DONNÉES
À LA SAINTE VIERGE

I. — Dans les desseins de Dieu, la plus grande des pures créatures n’eut jamais à se départir ici-bas de la modestie et de l’obscurité qui convenaient à son sexe et à sa condition. Au cours de sa vie terrestre, nous ne remarquons ni prédication publique, ni ministère sacré, ni miracles éclatants, ni actions retentissantes.

Mais, d’une part, la maternité divine elle-même est le plus sublime de tous les ministères qu’un homme puisse avoir à remplir ; et, d’autre part, Marie avait dans sa vocation et ses destinées, un titre à toutes les prérogatives, à tous les ornements spirituels. Voilà pourquoi les théologiens attribuent à Marie tous les dons gratuitement dispensés, sauf à en contenir l’exercice dans le juste cadre où s’écoulait sa vie (Voyez SUAREZ, in 3 partem, q. 27, d. 20.).

Et cette opinion n’est-elle pas confirmée par les récits mêmes de l’Écriture ? Quelle inspiration prophétique, quelle illumination remplit Marie, lorsque, avant toute créature humaine, elle apprend le mystère de l’incarnation et le célèbre en son Magnificat ; quel discernement des esprits en toutes les circonstances de sa vie ! Lui manqua-t-il la puissance des miracles, quand nous la voyons obtenir le premier des miracles de Jésus ? Quel sacerdoce elle exerça quand, d’abord au temple, lors de la présentation de l’enfant Jésus, puis sous la croix, elle offrit et immola le Sauveur du genre humain (Il y a quelques années, on s’était plu à mettre en relief le titre de Vierge-Prêtre. Le regretté P. HUGON, O. P. a même intitulé une brochure La Vierge-Prêtre. Mais, malgré l’hymne où nous lisons Virgo Sacerdos immolat, il paraît plus conforme aux directions récentes du S. Siège, d’omettre cette qualification. En outre, le S. Office, a rejeté bien à propos l’image représentant la Sainte Vierge revêtue de la chasuble et des ornements sacerdotaux. Voyez le décret du 8 avril 1916.). N’est-ce pas près d’elle que saint Luc fut instruit de l’Évangile de l’enfance du Sauveur ; près d’elle, qu’après la mort et l’ascension du Christ, les apôtres et les disciples cherchèrent lumière et édification ? Maintenant encore, du haut du ciel, Marie n’est-elle pas notre grande thaumaturge, en même temps que la plus haute illuminatrice, la plus sage conseillère des hommes ?

II — Admirons l’abondance des dons divins en Marie. Mais en la voyant si modeste, si réservée dans l’usage et la manifestation de tout ce dont Dieu l’a favorisée, si attentive à simplement remplir la mission qui lui incombe, rejetons tout prétexte de nous affranchir des humbles devoirs de notre profession.

III. — LES GRÂCES GRATUITEMENT DONNÉES
À NOUS-MÊMES

1. Nos talents et nos succès peuvent être assimilés aux grâces gratuitement données, ainsi que les charges honorifiques que nous avons à remplir. Il n’y a là aucune raison de nous complaire en nous-mêmes.

Soyons prudents et circonspects, sans être sceptiques, dans le contrôle des faveurs singulières. Au lieu de tendre à l’extraordinaire, portons toute notre attention sur la pratique des vertus imposées à tous.

Une humble simplicité nous vaudra les secours opportuns, pour nous élever à la hauteur de notre mission. Ne redoutons pas nous-mêmes les responsabilités à assumer, et que l’aide divine accordée aux Supérieurs facilite notre obéissance !

COLLOQUE

Présentons-nous à Dieu par Marie, pour faire à Jésus-Christ nos offres de dévouement. Indiquons nos préférences pour le dévouement obscur : il nous expose moins nous-mêmes, et, très souvent, il est plus glorieux à Dieu. Ave Maria !