LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

ONZIÈME SAMEDI

Les grâces actuelles de la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — Des grâces et des dons habituels nous passons à ces influences transitoires mais incessantes par lesquelles Dieu nous détourne du mal et surnaturalise la mise en mouvement de notre activité. Le premier point rappellera la notion des grâces actuelles dans leurs deux formes principales ; le second sera consacré aux grâces médicinales de la Sainte Vierge ; le troisième aux grâces salutaires.

MÉDITATION

« Sine Me, nihil potestis facere. » (Jn 15, 5).

Sans Moi, vous ne pouvez rien faire.

1er PRELUDE. — Représentons-nous la maison de Nazareth. L’ange du Seigneur salue Marie pleine de grâce.

2e PRELUDE. — Demandons la grâce de connaître mieux la dignité de notre Mère du ciel, et de croître en humilité et en reconnaissance envers Dieu.

I. — LES GRÂCE ACTUELLES EN GÉNÉRAL

I. — 1. Résolu à diviniser sa créature intelligente, même celle qui s’était avilie par le péché, Dieu commence par la douer d’une nouvelle nature, la grâce sanctifiante. Ensuite, par les vertus surnaturelles, Il communique à ses facultés une puissance d’action qui dépasse la portée de toute activité naturelle. Les dons du Saint-Esprit mettent en elle des propensions célestes, de précieuses dispositions pour suivre les mouvements d’en haut. Voilà donc cette créature toute préparée à mener une vie morale surnaturelle, à s’illustrer par des actes dignes d’un bonheur infini.

2. Est-ce tout ? Est-ce assez ? Ce néant que nous sommes au regard d’un bonheur surnaturel, est-il décidément comblé ?

Il manque encore deux choses.

a) La vie surnaturelle coule en un homme naturellement infirme et malade, qui court danger de succomber ; ces richesses sont possédées par un faible, un imprudent, qui risque de se laisser dévaliser en chemin. Il faut un secours pour affermir la vie au-dedans ; une prévoyance, une assistance, pour ménager les forces de l’homme, ne pas les exposer à des rencontres fâcheuses, trop aisément fatales. Ce secours est la grâce médicinale ; bienfait complexe, attention multiforme de la Providence. Par elle, les occasions trop dangereuses sont écartées, et l’épreuve ne dépasse jamais nos forces ; de bonnes influences agissent sur nous ; des paroles salutaires, des exemples persuasifs, des avertissements intérieurs de consolation et de remords nous encouragent au bien, nous détournent du mal ; une action divine apaise l’impétuosité des passions, éclaire l’intelligence, fortifie la volonté.

b) Observons notre activité morale. Nos actes réfléchis sont précédés d’actes indélibérés dont ils dépendent, aussi bien que de la libre élection de notre volonté. Pour faire quoi que ce soit, il faut d’abord y penser ; un parti doit être proposé avant de pouvoir être approuvé. Et toute proposition pratique de notre intelligence ne se fait-elle pas sous la poussée de quelque mouvement de notre volonté ? Inutile, à notre point de vue, de poursuivre et d’approfondir cette investigation ; ce nous est assez de retenir que des connaissances et des impulsions non libres, sans êtres nécessitantes, sont indispensables au jeu de notre libre activité.

La question se pose donc : De quel ordre seront ces pensées irréfléchies, ces vouloirs spontanés, qui précèdent, du moins les tout premiers (En effet, nos actes libres s’enchaînent les uns aux autres. Un second est amené par le premier ; un troisième par le second ; l’acte indélibéré n’est nécessaire qu’au commencement de la série.), l’usage de nos vertus surnaturelles ?

Pourvu de tous ses agrès, notre navire est prêt à appareiller vers le port de la vie éternelle. Mais sous quelle impulsion va-t-il s’ébranler ? Une force purement naturelle va-t-elle commander à ces forces supérieures de se mettre en mouvement ? La nature se glorifiera-t-elle d’avoir déterminé l’action de la grâce, d’être ainsi le principe de tous nos mérites ? L’harmonieuse proportion entre les moyens et la fin sera-t-elle troublée par l’infériorité des commencements ? La bonté de Dieu ne fait rien à demi. Et voici que d’une façon mystérieuse, Il s’insinue Lui-même dans notre activité initiale ; le premier éclair qui illumine notre intelligence, la première impulsion de notre volonté vers tout ce qui est bon, sont dus ensemble à nos facultés et à un concours surnaturel que Dieu nous fournit, et qui ne nous abandonne pas pendant toute la durée de notre action. Dieu prévient ainsi tous nos actes méritoires, comme son bras nous aide à les accomplir ; c’est portés sur les ailes de sa grâce que nous pensons, voulons, faisons le bien !

II. — Ces considérations peuvent développer en nous : a) Un sentiment d’humilité ; elles nous font mieux comprendre le double néant que nous sommes dans l’ordre surnaturel.

a) Une vive reconnaissance pour tout ce que Dieu daigne opérer en nous :

Un grand souci de ne pas ruiner l’œuvre de Dieu en nos âmes.

II. — LES GRÂCE MÉDICINALES
DE LA MÈRE DE DIEU

I. — Dieu fit plus pour la Sainte Vierge que d’atténuer, de corriger une disposition maladive, héritée de nos premiers parents. Mieux que le remède, Il lui apporta la santé. Par une action absolument prévenante. Il enleva le principe même de la faiblesse inférieure. Il enleva, c’est trop peu dire : dès le premier instant de vie, Il régla tellement les passions et les appétits de cette créature privilégiée, que les forces inférieures se présentèrent à elle en troupes docilement rangées pour obéir, non pour troubler et précipiter l’action. Robuste et sainte, Marie put affronter sans péril les difficultés et les épreuves, s’apprêtant à triompher en chacune d’elles.

II. — 1. Quant à nous, avouons notre maladie et notre impuissance ; reconnaissons que si la Providence divine n’avait pris soin d’en écarter les occasions, nous étions capables des plus atroces forfaits.

2. Cependant, ne soyons pas pusillanimes. Dieu peut et veut nous faire sortir indemnes des passes les plus dangereuses, si vraiment nous nous y engageons forcés par les circonstances ou attirés par l’intérêt de sa gloire. Voyez les martyrs : il leur était interdit de courir témérairement à la mort ; mais traînés devant le juge, ils n’avaient même pas à se préoccuper des réponses qu’ils donneraient à de perfides questions. L’Esprit divin les éclairait (Mt 10, 19), comme IL les soutenait dans les tourments.

3. Nous est-il difficile de nous rappeler, dans notre vie, les occasions dangereuses qui nous furent épargnées, les influences bienfaisantes qui s’employèrent pour nous ? Ce sont là des bienfaits spéciaux de la grâce.

4. Nous pouvons nous-mêmes apporter à d’autres cette grâce de Dieu, si nous les édifions par nos paroles ou nos exemples.

III. — LES GRÂCES SALUTAIRES
DE LA MÈRE DE DIEU

I. — Il nous faut concevoir les grâces salutaires de la Mère de Dieu comme les invitations réitérées que le Roi des Rois adresse à la plus favorisée des créatures, pour la presser de monter jusqu’auprès de son trône ! « Fille de Jérusalem, reconnais tout ce que J’ai mis en toi de charmes et de beauté. Ces richesses, cette noblesse et cette parure sont destinées à un monde meilleur que celui où tu poses les pieds. Viens, monte à la cime où Je me trouve moi-même. — Mais l’espace est immense ! — Je te donne des ailes. Ma grâce est là qui t’élève et t’emporte. Prends ton essor ; ne crains pas ! »

Et Marie s’élance en effet. D’elle on peut dire en vérité, qu’elle ira de vertu en vertu, jusqu’à contempler la face de Dieu dans Sion (Ps 83, 8).

II. — 1. Abandonnons-nous à la vive émotion que nous inspirent les sublimes appels adressés à notre Mère.

2. Sans comparer nos privilèges à ceux de la Sainte Vierge, nous pouvons reconnaître que notre âme, elle aussi, est pourvue de richesses supérieures à ce monde ; nous sommes faits pour mieux que cette terre.

Rien de vil donc, rien de bas dans nos désirs et nos vues ! Pensons à faire grand. Si d’autres se résignent à ramper, que cette médiocrité ne retarde pas notre vol ; qu’elle se borne à nous inspirer une douce et patiente compassion pour ceux qui se ferment d’aussi magnifiques horizons.

COLLOQUE

Engageons avec Marie et puis avec Jésus un entretien de confiance et d’humilité. De confiance. « Je puis tout en celui qui me fortifie » ; d’humilité : « Qui me délivrera de ce corps mortel ? » Alors, jaillira de notre cœur une prière. Trois fois nous invoquerons le Seigneur, pour qu’au moins IL nous dise : « Ma grâce est là qui te suffit » (Ph 4, 13 ; Rm 7,25 ; 2 Co, 12, 8-9.).