LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

QUATORZIÈME SAMEDI

La liberté de la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — Cette méditation est ordonnée en vue de ce grand résultat, de nous mettre bien devant les yeux notre propre responsabilité dans l’ordre spirituel ; de nous faire saisir combien, là aussi, se vérifie le proverbe : « Aide-toi, le Ciel t’aidera » ; et de nous tirer d’une indolence fatale à notre avancement spirituel. Voyons successivement : la raison d'être providentielle de la liberté et le respect avec lequel Dieu la laisse agir ; les fruits de la liberté en Marie ; et l’usage qu’à son exemple, nous devons faire de la liberté.

MÉDITATION

« Gratia eius in me vacua non fuit, sed abundantius illis omnibus laboravi. » (1 Ép. Cor 15, 10).

La grâce de Dieu ne m’a pas été donnée en vain. Je me suis donné plus de peine qu’eux tous.

1er PRELUDE.— Dans la demeure de Marie, entendons l’humble Vierge répondre à l’ange de Dieu : « Que votre parole s’accomplisse en moi ».

2. PRELUDE. — Sollicitons, avec de vives instances, de pouvoir suivre l’exemple de notre Mère, en coopérant aux avances du Seigneur, avec une généreuse fidélité.


 

I. — LA RAISON D'ÊTRE PROVIDENTIELLE
DE LA LIBERTÉ EN NOUS

I. — Pourquoi Dieu nous donne-t-Il la liberté ? Jusqu’à quel point la respecte-t-Il ?

1. Raison d’être de notre liberté. Nous entendons la liberté telle qu’elle existe en nous, même avec la faculté de mal faire. De ce que l’option mauvaise répugne à l’infinie sainteté de Dieu, et ne peut même se concevoir dans une volonté qui est la règle de toutes choses, on conclurait à tort que la faculté de faire le mal n’est pas une perfection relative de notre liberté et, au contraire, en constitue un défaut. Il ne faut pas oublier, en effet, que certaines vraies qualités de la créature, liées à son imperfection essentielle, ne peuvent se trouver dans un être infini. Qu’il est précieux pour nous d’avoir les yeux du corps ! Ces mêmes yeux pourtant témoignent de notre infériorité naturelle vis-à-vis des purs esprits, à combien plus forte raison vis-à-vis de Dieu. La liberté de Dieu est celle d’une volonté où la bonté de nos actions trouve sa mesure ; la nôtre est celle d’une volonté soumise à une règle supérieure.

La possibilité de faillir résulte de notre condition ; elle rend gloire à Dieu et service à nous-mêmes, a) Elle rend gloire à Dieu. Par elle, Dieu voit venir et aboutir à Lui, non pas seulement des êtres fatalement entraînés vers leur centre, mais des intelligences qui, en venant à Lui, se déterminent librement à faire hommage à sa bonté. Par elle encore, Dieu a l’occasion de manifester sa miséricorde et la sagesse divine se joue dans l’univers. Des activités volontaires se remuent et s’agitent en divers sens, sans pouvoir déranger l’ordre du monde, ni empêcher l’exécution du plan suprême de Dieu. — b) Elle nous rend service à nous-mêmes. Elle nous donne l’honneur spécial d’être sortis victorieux de l’épreuve, d’avoir pu faillir et de ne l’avoir point fait. Même le péril traversé, la difficulté vaincue, n’ajoutent-ils pas au bonheur et à l’honneur du succès ? « Heureux l’homme, dit l’Ecclésiastique (Ec 31, 10), qui a pu transgresser la loi et ne l’a point transgressée ! »

2. Respect de Dieu pour cette liberté. Dieu voue à cette liberté un respect dont les manifestations nous surprennent et nous confondent ; qui peuvent même scandaliser l’orgueil de l’impie. S’il aide l’homme à bien faire, Il laisse l’homme commettre le mal et nuire. Dieu permet au blasphème de sortir de la bouche, au sacrilège de se perpétrer, à la sottise humaine de gâter d’utiles desseins, à la malice humaine de ruiner les plus belles entreprises, de perdre la foi, d’en empêcher la propagation ! Mystérieuse tolérance, qui fera d’autant plus éclater la sagesse divine, quand nous verrons que tout cela, que chaque élément de tout cela, contribue au bien des élus, à la glorification du Tout-Puissant !

II. — Mais l’adoration silencieuse doit être couronnée d’une conclusion pratique. Considérez ce champ fertile et ces greniers remplis de semence féconde. Homme, vous n’avez fait ni le champ ni la semence, et pourtant vous portez la responsabilité de la moisson. La terre ne s’ouvrira pas d’elle-même pour recevoir la semence, et celle-ci n’ira pas d’elle-même se jeter dans le sillon. Vous ne pouvez vous reposer sur la Providence divine du soin de la culture. Il en est de même des fruits de salut à produire dans notre cœur et dans le monde. Nous devons tout attendre de Dieu, mais nous devons demander son aide et nous devons agir. Agir sur nous-mêmes, nous attaquant aux difficultés et nous formant le caractère moral et surnaturel. Agir sur autrui ou au dehors, pour combattre le mal, assurer le bien. Il sert peu de se lamenter et d’escompter des miracles. Que faites-vous de votre intelligence et de vos bras ? La spiritualité entendue autrement est pleine d’illusions et de mécomptes.

Examinons-nous sérieusement, nous-mêmes et notre attitude. Et retenons bien que la bénédiction de Dieu consiste à nous faire jouir du travail de nos mains (Ps 127, 2), la sainteté et le salut sont au prix de notre labeur.

II — LES FRUITS DE LA LIBERTÉ EN MARIE

I. — 1. Jusqu’à quel point, Dieu respecta la liberté de Marie ! Non seulement ses actes de vertu furent accomplis librement, mais le sort même du genre humain tout entier fut remis à sa discrétion. L’ange n’usa d’aucune contrainte. Marie fut Mère de Dieu, parce qu’elle voulut l’être.

Mais, en ses mains bénies, quels ne furent pas les fruits de la liberté ! Pour le monde, c’est Jésus Lui-même, que tous nous tenons d’elle ; pour elle-même, c’est l’apogée du mérite et de la gloire ! Oui, sans doute, toutes les avances sont de Dieu. « Par la grâce de Dieu je suis tout ce que je suis (1 Co 15, 10) » ; « le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses » ; mais cette grâce n’a pas été reçue en vain ; j’ai coopéré avec elle. J’ai accepté toutes les invitations de Dieu ; je suis montée sur toutes les hauteurs où je fus conviée ; les grâces de Dieu, multipliées en mes mains par ma générosité à les suivre, m’ont portée par des ascensions rapides et sublimes jusqu’au sommet de la gloire.

II — Le don de la liberté brille de tout son éclat en Marie. En félicitant notre Mère, nous avons sujet d’admirer et de bénir la sagesse divine dans ses desseins sur nous.

III. — L’USAGE QU’IL NOUS FAUT FAIRE
DE NOTRE LIBERTÉ

I. — Le bon usage de notre liberté consiste à correspondre activement à la double grâce de Dieu :

À la grâce médicinale, par les précautions de la prudence. Que de fois nous, si faibles, si fragiles, nous nous jetons en téméraires dans le danger, tandis que Marie, si protégée à l’intérieur d’elle-même, cherche l’abri du temple, vit dans la retraite, se munit de toutes les sauvegardes qui convenaient à son sexe et à sa condition !

À la grâce surnaturelle, par la diligence que nous apportons à nous perfectionner et à remplir la mission apostolique qui, à des degrés divers, nous est à tous échue en partage.

Nos défauts peuvent être ici : une lâche dissimulation, qui affecte l’ignorance et cherche à s’excuser par une impuissance fictive ; un égoïsme paresseux, qui sacrifie le bien au repos, à la fausse paix de l’inertie et de l’indifférence ; une défiance mesquine, qui n’ose pas prendre son élan.

II — Voilà pourquoi nous avançons peu ; voilà pourquoi beaucoup de mal se fait autour de nous. À l’œuvre donc, sans présomption, mais généreusement !

COLLOQUE

Dévotement prosternés devant Dieu, en présence de la Sainte Vierge, demandons pardon de notre oisiveté spirituelle ; acceptons noblement la responsabilité de notre liberté ; décidons-nous à l’action, pour nous-mêmes et pour autrui. Ave Maris Stella... lier para tutum ! Salut, étoile de la mer... Ménagez-nous un chemin assuré !