LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

QUINZIÈME SAMEDI

L’ange gardien de la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — L’assistance d’un Ange Gardien, autre forme, et si belle, de la grâce de Dieu, n’est nullement rattachée à la faute originelle ; elle ne suppose en l’homme aucune imperfection positive, rien qui soit indigne de la Mère Immaculée du Dieu-Sauveur. Marie eut donc son Ange Gardien. Les rapports de la Sainte Vierge et de cet Ange, tels que, dans le silence de l’Évangile, nous pouvons pieusement les déduire des principes généraux de la théologie, fournissent, ce semble, la matière d’une fructueuse méditation à l’honneur de notre Mère et des anges de Dieu.

Une vue générale sur le rôle de l’Ange Gardien et le plan de la Providence occupera le premier point, tandis que le second et le troisième auront pour objet la conduite de l'ange envers Marie et celle de Marie envers l'ange.

MÉDITATION

« Angelis suis mandant de te. » (Mt 4. 6).

Les anges ont reçu des instructions divines à votre sujet.

1er PRELUDE. — En communiquant à Marie les desseins de Dieu qui la concernaient, et en l’invitant à y consentir, l’archange Gabriel accomplissait auprès d’elle une des fonctions accoutumées des Anges Gardiens. Nous pouvons donc reconnaître en lui comme un représentant de l’Ange Gardien de Marie. Il sera dès lors naturel de reconstituer dans le 1er prélude la scène de l’incarnation et de nous figurer Marie recevant, dans son humble demeure, le messager de ce grand mystère.

2e PRELUDE. — Demandons instamment la grâce si précieuse de concevoir pour notre Ange Gardien une estime pleine de reconnaissance et d’entretenir avec lui des rapports de sainte et salutaire amitié.

I. — LE PLAN DE LA PROVIDENCE DIVINE

I. — 1. La plus noble de nos influences est évidemment celle que nous exerçons sur d’autres créatures raisonnables. Vaudrait-il la peine d’agir sur la matière, si personne ne pouvait admirer ou utiliser l’effet produit ? Les œuvres qui ne servent à personne, sont des œuvres absolument superflues. Et parmi les influences que nous pouvons posséder sur autrui, la plus belle de toutes est l’action d’ordre surnaturel et divin.

Mais l’avantage de l’un ne risque-t-il pas de devenir le détriment de l’autre ? L’honneur d’agir sur une autre personne ne tourne-t-il pas au détriment de celle-ci, en la privant d’une autre gloire, celle d’être sous la conduite immédiate de Dieu ?

Admirons la sagesse et la bonté divines, qui ont su tout concilier pour notre suprême avantage !

Voyons d’abord ce qui se passe entre les hommes. Ceux qui le veulent, peuvent tous travailler à la vigne du Seigneur, remplir la glorieuse mission de contribuer à la grande œuvre du Christ, le salut des âmes. Quel pécheur s’est converti, quel juste s’est sanctifié, sans rien devoir à un autre homme, à la force d’une bonne parole, à l’entraînante éloquence d’un exemple édifiant ? Ces canaux mêmes, creusés tout exprès pour contenir et déverser sur nous la grâce du Christ, les sacrements, n’épanchent leurs eaux salutaires sur nos âmes qu’à l’appel du ministre légitime, qui est encore un homme.

Dieu cependant se réserve la part principale de cette action. Paul peut planter, c’est-à-dire annoncer extérieurement la doctrine du salut ; Apollon peut répandre la bienheureuse rosée de ses prédications ; mais il appartient à Dieu seul de donner l’accroissement (1 Co 3, 6). La parole extérieure qui tombe dans l’oreille, devient la pensée et l’heureuse inspiration du bien ; élevées par un mystérieux concours divin, cette pensée et cette inspiration constituent, avec le libre assentiment du sujet, un digne principe pour une action qui va mériter le ciel. Et dans les sacrements, tandis que Pierre baptise, le Christ baptise plus encore ; en d’autres termes, Pierre n’est qu’un instrument dont Dieu se sert pour opérer surnaturellement dans l’âme.

L’action des anges sur les hommes doit se concevoir de semblable façon. Même les hiérarchies célestes sont subordonnées les unes aux autres ; et, c’est la doctrine de saint Thomas, les esprits d’un ordre supérieur communiquent leur clarté aux esprits de rang moins élevé et aux hommes.

L’harmonie de cette association intime de tous les êtres raisonnables, ne sera pleinement saisie par nous que dans l’éternité.

Une tradition juive enseignait l’intervention des anges dans les théophanies de l’Ancien Testament. À lire celui-ci, la loi juive fut dictée à Moïse par Dieu même ; et cependant saint Paul nous enseigne expressément que Dieu la communiqua par le ministère des anges (Ga 3, 19).

Les anges interviennent donc dans les bienfaits extérieurs et généraux de Dieu ; mais leur part n’est pas moindre dans les grâces intérieures et particulières. Ils ont leur manière de suggérer les bonnes pensées et les sentiments purs, de nous porter au bien et de nous détourner du mal.

II — Conclusions. Ce rôle sublime auquel nous sommes appelés, se prête à d’excellentes applications :

Avions-nous jamais songé que tous nous étions nés apôtres ? Nous préoccupons-nous assez du bien que nous avons le moyen de réaliser dans toute notre vie ? S’il nous arrive d’exercer un ministère sacré, avons-nous assez conscience du grand honneur qui nous est alors départi ? Sous l’empire de cette persuasion, quel soin, quelle vive joie ne mettrions-nous pas à nous acquitter de fonctions aussi relevées ?

Les anges, non seulement nous contemplent, mais ils nous offrent leur appui. Que nos invocations témoignent de notre empressement à accepter leur concours ; en agissant sous leurs yeux et avec leur assistance, nous ferons plus de bien, notre intention sera plus pure, et nous échapperons aux dangers qui peuvent être mêlés aux plus saintes occupations. Notre-Seigneur n’évoque-t-il pas Lui-même la pensée des anges pour nous inspirer l’horreur du scandale ? Rappelons-nous les fruits que le B. PIERRE LEFEBVRE recueillit de sa dévotion fervente pour les Anges, les merveilles de salut qu’il opéra dans les âmes.

II. — L’ANGE GARDIEN EN FACE DE MARIE

I. — Nous ne pouvons que bien imparfaitement soulever le voile qui recouvre la vie intime et l’action des anges. Mais les recherches d’une piété simple ne sauraient leur déplaire, et nos moindres découvertes sont profitables à nos âmes. Forts de cette double persuasion, nous nous demandons ici quels sentiments éprouvait l’Ange gardien de Marie, quelles étaient son attitude et sa conduite.

1. Les sentiments. L’Ange Gardien de Marie ressentait une joie indicible à la vue des actions si constamment parfaites de la Sainte Vierge. À cette joie se mêlait un profond respect. Provoqué dès l’abord par les grâces extraordinaires versées en l’âme de cette vierge privilégiée, ce respect fut porté à son comble, quand l’ange connut l’élection qui élevait Marie à la dignité de Mère de Dieu.

2. Le programme de sa conduite avait comme deux grandes parties : l’ange présentait au trône de Dieu les hommages de Marie, en y joignant ses humbles mais ardentes supplications ; et il mettait un soin infini à suivre la Sainte Vierge dans toutes ses démarches, à la couvrir de sa protection, à écarter d’elle toute cause de danger.

II — 1. L’action de notre Ange Gardien se déploie toute en notre faveur, vis-à-vis de Dieu, de nous-mêmes et du reste des créatures.

Il offre nos prières à Dieu, et en comble les multiples imperfections.

Témoin bienveillant, plus noble que les rois et les princes de la terre, il conçoit une joie véritable de chacun de nos bons efforts, de chacune de nos actions méritoires. Lui-même nous incite à tout bien.

Il nous défend contre nos ennemis visibles et invisibles, et nous préserve de mille malheurs.

Une fois plus vive, qui nous montre vraiment un ange à nos côtés, transformerait toute notre vie ! Les craintes humaines disparaîtraient, il ne nous en coûterait presque rien pour être fervents. Dans la prière et dans l’action, le souvenir de cet auxiliaire si précieux nous animerait d’une invincible assurance. Nous serions à la fois encouragés et mis à couvert.

III. — MARIE EN FACE DE SON ANGE GARDIEN

I. — Marie également, nous pouvons l’affirmer sans hésitation, entretenait pour son bon ange un sincère sentiment de respect. Avec quelle déférence devait traiter son Ange Gardien celle que nous avons vue si humblement prévenante envers sa cousine ! Au respect se mêlait une douce reconnaissance. Faut-il parler de sa parfaite docilité à suivre tout appel qui lui était adressé au nom de Dieu ?

II — De pareils devoirs nous lient à notre ange, et nous ne pouvons ignorer ce que réclament de nous le respect et la gratitude. Mais comment nous montrer dociles à suivre un guide que nous ne voyons pas ; comment prêter l’oreille à un conseiller dont la voix n’est pas perçue ?

Il suffit de bannir les affections déréglées et de cultiver avec grand soin une intention parfaitement droite. Les desseins marqués au coin de notre religion sont de ceux que notre Ange Gardien conseille. À la paix sereine qui accompagne l’idée d’y donner suite, à une certaine confiance mise au fond de notre volonté, nous pouvons comprendre que notre bon Ange approuvera notre conduite, si ce n’est même lui qui nous l’a inspirée.

COLLOQUE

Dans un fervent colloque avec Marie, son Ange et le nôtre, tâchons de renouveler notre dévotion envers les saints Anges. Cette dévotion nous fera progresser nous-mêmes dans le bien ; elle nous assurera sur le prochain une influence salutaire. Ave Maria !