LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

SECONDE SECTION

LES VERTUS DE LA MÈRE DE DIEU

DIX-SEPTIÈME SAMEDI

La foi de la Mère de Dieu :
La liberté méritoire de cette foi.

Plan de la méditation. — Dans cet âge tourmenté et énervé par le doute, pourrions-nous, à l’école de la Sainte Vierge, apprendre une leçon plus utile que celle d’une foi virile, éclairée et pratique ? Forts de l’appui comme de l’exemple de notre Mère Immaculée, travaillons avec une spéciale ardeur, à obtenir de la libéralité divine ce don inestimable d’une foi qui soit le repos et la lumière de notre vie, le principe directeur de toute notre activité. Cette méditation sera consacrée à la volonté de croire, c’est-à-dire, à l’acte libre, fait avec la grâce de Dieu, qui décide l’adhésion de l’intelligence. Nous considérerons d’abord la foi libre de Marie ; puis le secret de cette foi, enfin les corollaires pratiques qui se dégagent de cette liberté et de ce secret.

MÉDITATION

« Beata quae credidisti ! » (Lc 1, 45).

Bienheureuse, vous qui avez cru !

1er PRELUDE. — Rappelons-nous brièvement la scène de l’Annonciation de la Sainte Vierge. Un ange, descendu du ciel, propose de la part de Dieu à la Sainte Vierge de devenir Mère de Dieu. Marie, un instant troublée par la salutation élogieuse de l’ange, objecte l’humaine impossibilité où elle se trouve de devenir mère sans manquer à son vœu de virginité. L’ange lui déroule un plan qui concilie toutes choses, et en appelle, pour sa réalisation, à la Toute-Puissance divine. « Élisabeth, votre cousine, ajoute-t-il, vient d’être elle-même l’objet d’une bénédiction qui manifeste une toute-puissante Bonté ». Cela suffit à Marie : elle croit aux paroles divines que l’ange lui transmet ; et, sur la foi de ces paroles, accepte d’être Mère de Dieu.

2e PRELUDE. — Figurons-nous, bien au concret, la demeure, la chambrette où se passe cette scène.

3e PRELUDE. — Demandons avec insistance de pouvoir mieux saisir la nature de la foi, et de nous établir dans les dispositions qui fortifient et développent cette vertu en nos âmes.

I .  LA FOI LIBRE ET MÉRITOIRE DE MARIE

I. — L’excellence de la foi de la Sainte Vierge nous est attestée par l’Écriture et les Saints Pères. Dans l’Évangile, Élisabeth est mue par l’Esprit-Saint à féliciter Marie de sa foi ; et les Pères de Église se plaisent à reconnaître dans la foi de Marie le principe de sa maternité et de sa grandeur. Chez eux, c’est comme un axiome : Fide concepit, fide peperit : La foi valut à Marie de concevoir le Verbe de Dieu, elle lui valut de Le mettre au monde (S. AUGUSTIN, Enchiridion (M. P. L., t. 40, col. 429) ; S. BERNARD, 3e sermon pour la Noël. (M. P. L., t. 183, col. 121).). Cette foi porta évidemment sur toutes les vérités contenues dans le dépôt de la révélation ancienne. Mais étudions-la dans le sublime accroissement qu’elle reçoit au moment où la Vierge accepte de croire à sa propre maternité. Repassons cette scène dans notre esprit. Y voyons-nous rien qui force l’adhésion ? Il s’en dégage l’impression, que Marie, en croyant, fut prudemment docile, mais qu’elle aurait pu également ne pas croire. La proposition à croire se présentait avec des côtés lumineux qui justifiaient l’assentiment, mais elle avait des côtés obscurs qui permettaient de la rejeter. L’accord du discours de l’ange et d’anciennes prophéties, la sainteté de son aspect, l’élévation de ses vues, toutes pures et tendant à glorifier Dieu, la révélation d’un autre prodige, facile à vérifier, c’étaient les côtés lumineux sur lesquels Marie porta son attention. Mais il lui était loisible de s’exagérer l’étrangeté de l’ambassade, l’invraisemblance du choix tombant sur elle, l’impossibilité apparente de la merveille annoncée, pour demeurer dans le doute ou réclamer elle-même des signes déterminés, avant de soumettre son intelligence. Elle n’en agit pas ainsi, mais, contente des lumières suffisantes qui lui étaient fournies, elle commanda à sa raison d’adhérer avec une inébranlable fermeté à la parole de Dieu. Au lieu de vivre dans une perplexité pénible, elle eut ainsi le bonheur et le mérite de croire.

II — Qu’il est à propos de nous ressouvenir que la foi est libre ; qu’elle se range parmi les adhésions — si nombreuses dans la vie de l’homme, — qui se font sous l’empire de la volonté ! Prévenus et aidés de la grâce, nous croyons parce que nous voulons croire.

La liberté de l’acte de foi est nécessaire pour qu’il puisse être méritoire. Si nous croyions, déterminés par une évidence à laquelle l’esprit ne saurait se soustraire, quelle gloire rendrions-nous à Dieu, et que trouverait-Il à récompenser en nous ? La lumière de notre esprit serait comme celle des astres du firmament : splendeur admirable, mais nécessaire et sans mérite.

Cette liberté nous explique les tentations contre la foi. Des évidences, même inéluctables, peuvent être battues en brèche par ce pouvoir singulier que nous possédons de fausser l’instrument de nos connaissances, et de condamner notre esprit au suicide. Des malheureux ne sont-ils pas parvenus à douter de leur propre existence ? Mais quand l’acquiescement de l’esprit est volontaire, notre intelligence est portée par elle-même à rechercher l’évidence de ce qu’elle admet : de là un labeur, une demi-anxiété, conciliables avec la foi, mais qui rendent celle-ci moins palpable, et nous enlèvent l’impression d’un plein repos. Et sous l’influence de diverses causes, la volonté peut être sollicitée à modifier son injonction ; à cesser du moins d’imposer à l’intelligence un assentiment ferme, pour se faire la complice responsable d’une inquiétude jusque-là innocente.

Cette liberté nous instruit de la conduite qu’il nous faut tenir. Guidés par Dieu, nous devons aller à la foi et ne pas attendre passivement qu’elle vienne à nous.

Notre volonté doit positivement attirer le regard de l’intelligence sur les titres de créance avec lesquels se présente la religion et puis lui commander une juste soumission ; il nous faut veiller à renforcer les dispositions favorables à la foi.

Si notre foi paraît languir ou subir des éclipses, la cause n’en est-elle pas dans notre négligence ou notre inertie ? Avons-nous assez prêté à Dieu ce concours de prière et d’action qu’il demande, pour nous favoriser de l’abondance de ses grâces ?

Aux vérités qui formaient alors le patrimoine commun des croyants s’ajouta, pour Marie, sa maternité divine. Elle devait croire à sa grandeur, à son bonheur ! Et ce fut là l’objet le plus difficile à croire ! Mais Élisabeth pourra la proclamer bienheureuse d’avoir cru à l’accomplissement de ce qui lui avait été annoncé.

Que manque-t-il à beaucoup de chrétiens pour goûter le bonheur de croire ? Il leur manque de croire d’une foi vive à leur propre élévation surnaturelle, au Pain divin qui leur est donné à la table sainte, à la félicité qui les attend au ciel. S’ils avaient pareille foi, comme ils s’estimeraient supérieurs à la terre ; quelle vie céleste ils mèneraient en répétant, après saint Stanislas : « Je ne suis pas né pour les choses d’à présent, mais pour les biens à venir ! »

II — LE SECRET DE LA FOI
CHEZ LA MÈRE DE DIEU

I. — D’où venait à Marie sa facilité à croire ? Vierge parfaitement pure, elle n’entendait en elle-même aucune voix discordante, ne se sentait aucune attache inférieure, opposant aux devoirs de la foi un intérêt de sensualité ou d’amour-propre ; créature parfaitement soumise, elle n’élevait aucune prétention orgueilleuse, contestant le droit souverain que Dieu possède pour imposer une révélation et pour en choisir le mode et les preuves ; intelligence en parfait équilibre, elle savait au-dessus d’elle un Dieu, non seulement incapable d’errer ou de tromper, mais encore désireux de communiquer la vérité nécessaire à ses créatures : comment permettrait-Il que l’erreur se couvre de toutes les apparences de la vérité, que des recherches sincères n’aient d’autre aboutissement que les angoisses du doute ? Et dès lors, avec une simplicité d’enfant, elle allait à Dieu et s’abandonnait à Lui par une foi dont la fermeté se mesurait sur l’infaillibilité divine.

II. — Ces dispositions nous montrent combien il est raisonnable de croire. On ne nous demande pas un assentiment irréfléchi ; mais on veut que nous écoutions la voix qu’aux heures de calme et dans le silence des passions, fait retentir la raison elle-même. Celle-ci découvre, d’une part, un Dieu tout-puissant, qui veille sur sa créature, un Dieu dont la souveraineté et la véracité sont infinies ; et d’autre part, une religion toute sainte, sublime dans sa doctrine et ses préceptes, entourée de magnifiques garanties. Son fondateur, dont la sagesse et la vertu défient la calomnie ; les merveilles faites par Lui ou en son nom ; l’histoire et la durée de cette religion ; l’incomparable supériorité qu’elle possède sur les autres et l’impossibilité manifeste de la remplacer par quelque système philosophique : tout cela témoigne hautement en sa faveur. Quand cette religion se dit révélée par Dieu, imposer à son intelligence l’adhésion qu’elle prescrit, qu’est-ce autre chose que reconnaître le domaine de Dieu, et rendre hommage à sa véracité ? L’homme qui croit ne fait qu’obéir à deux vérités certaines : le domaine absolu de Dieu et la véracité infinie de Dieu ; il part de là et, par la foi entière à cette véracité et la complète soumission à cette autorité, il arrive à toutes les vérités que Dieu daigne faire connaître. Croire, c’est accepter pleinement, sur l’autorité du Dieu révélateur, toutes les vérités que Celui-ci daigne manifester ; c’est les accepter, sous l’empire d’une volonté qui rend hommage à la suzeraineté de Dieu et qui se confie à sa véracité.

Remercions Dieu du don de la foi ; aimons à graver dans notre esprit les éclatantes confirmations de la religion catholique, et veillons à renforcer les dispositions qui nous permettront d’aller à Dieu avec un abandon tout filial.

III. — COROLLAIRES PRATIQUES

Les considérations précédentes nous conduisent à ces conséquences pratiques, extrêmement importantes pour le bonheur et la sûreté de notre vie :

1. Il faut éviter une subtilité excessive de l’esprit et l’habitude d’une insistance trop exclusive sur les objections. On s’engage par ce moyen dans un dédale d’hésitations interminables, où l’on perd toute fermeté en devenant incapable de saisir le vrai.

2. Il faut arrêter souvent notre esprit sur les avantages et les côtés lumineux de la foi, plutôt que sur certaines difficultés permises par Dieu pour laisser prétexte à l’incrédulité et pour rendre plus entier l’hommage que fait le croyant à une véracité infinie.

3. Il importe d’écarter les idées misanthropiques et les perspectives sombres : tout ce qui abat le courage tend à nuire à la foi ; et les funestes résultats du pessimisme en démontrent suffisamment la fausseté.

4. Ayons soin de fortifier l’empire de la volonté à l’intérieur de nous-mêmes.

5. Cultivons l’humilité et la confiance en Dieu.

6. Prions souvent pour avoir une grâce abondante de foi.

COLLOQUE

À la vue du grand nombre de ceux qui sont encore dans les ténèbres, remercions plus vivement Dieu d’avoir le don de la foi. Supplions-Le, par la bonne Vierge, de ne pas permettre que ce flambeau cesse d’éclairer notre route. Prions pour la conservation de la foi dans les pays catholiques. Et puis, multiplions les actes de simple abandon à Dieu. Réfugions-nous auprès de Lui comme un enfant auprès de son père. Offrons enfin le propos de renouveler souvent notre acte de foi et de ne jamais l’omettre dans nos prières du matin. Acte de foi. Ave Maria !