LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

SECONDE SECTION

LES VERTUS DE LA MÈRE DE DIEU

DIX-HUITIÈME SAMEDI

La foi de la Mère de Dieu :
Les glorieux abaissements de cette foi.

Plan de la méditation. — Si la foi est libre, il importe de nous incliner à croire. C’est le but de cette méditation, de nous faire mieux comprendre l’honneur et le mérite de croire, et de découvrir dans les abaissements mêmes de notre foi, des motifs d’en être vraiment jaloux et fiers. Voici quelle sera l’ordonnance de cet exercice. L’abaissement de la foi, glorieux pour Dieu, premier point ; le même abaissement, glorieux pour l'homme, second point ; la juste fierté de croire, troisième point.

MÉDITATION

« Ecce ancilla Domini ! » (Lc 1, 38).

Voici la servante du Seigneur !

1er PRELUDE. — Représentons-nous la sainte demeure de Nazareth, où Marie nous livre le secret de sa foi et de sa vie, en répondant à l’ange : « Voici la servante du Seigneur ! »

2e PRELUDE. — Demandons de concevoir pour la foi une profonde estime, afin de nous y attacher de plus en plus, et de la développer en nous, suivant les appels de Dieu et les exemples de la Sainte Vierge.

I. — L’ABAISSEMENT, GLORIEUX POUR DIEU

I. — La foi de Marie peut se comparer à un chêne gigantesque, dont le faîte s’élève dans la nue, parce que ses racines plongent jusque dans les abîmes de la terre. Pour la comprendre, il faudrait saisir la profondeur du sentiment qui lui fait dire : « Voici la servante du Seigneur ! » Essayons d’en concevoir quelque chose, en analysant la soumission contenue dans un acte de foi pleinement réfléchi. La perfection de cette soumission nous donnera l’idée la plus exacte de la foi de la Sainte Vierge.

1. La foi nous initie à un monde nouveau, surnaturel, vis-à-vis duquel nous n’étions rien.

En consentant à cette initiation, nous avouons le néant que nous sommes, et nous acceptons avec confiance la destinée nouvelle à laquelle la sagesse et la bonté de Dieu daignent nous appeler.

2. L’homme qui croit, repousse loin de lui les tendances présomptueuses des pharisiens : fermant les yeux aux prodiges que le Sauveur semait sur la route, ils subordonnaient leur assentiment à tel signe de leur choix. Le fidèle, au contraire, content des preuves mises à sa portée, dit à Dieu : « Seigneur, je laisse à votre sagesse de faire rayonner sur votre parole ces clartés que discerne un cœur humble et pur, et de permettre ces obscurités qui égarent la superbe humaine ».

3. Par la fermeté de sa foi, le chrétien abaisse sa raison devant le mystère, jusqu’à accepter, sur la parole divine, des contradictions apparentes ; jusqu’à les accepter avec une décision plus inébranlable que celle de ses propres évidences : ni questions curieuses, ni objections séduisantes ne parviennent à troubler le repos que son intelligence trouve en Dieu ; il est prêt à tout admettre, plutôt qu’à douter de la véracité infinie et de la Providence paternelle du Créateur.

II — 1. Dieu, en nous invitant à croire, nous offre ainsi le moyen de Le glorifier excellemment. Remercions-Le de tout cœur, et montrons un grand empressement à correspondre à sa grâce. Quoi de plus juste que d’humilier notre raison devant la sagesse divine, que de confesser notre néant devant le Créateur ? Ratifions donc, avec pleine conscience, les abaissements contenus dans nos actes passés, rendons-les aussi profonds que possible dans l’avenir.

Cette gloire que l’homme, en s’abaissant, procure à Dieu, confirme notre foi même. La vérité, non l’erreur, rend directement gloire à Dieu. Notre foi catholique se démontre vraie par cela seul qu’elle nous rapproche de Dieu et nous sanctifie plus que toute autre religion : si elle aboutit à Dieu, c’est qu’elle vient de Lui.

II — L’ABAISSEMENT, GLORIEUX POUR L’HOMME

I. — À l’abaissement volontaire de l’homme, Dieu se plaît à répondre par une magnifique exaltation. La soumission de Marie prélude à sa glorieuse maternité. Quand nous nous humilions pour croire, jusqu’à quelles hauteurs Dieu nous relève !

Ces quelques réflexions sur le rôle et la raison d’être de la foi nous découvrirons l’honneur que Dieu nous fait en nous demandant de nous fier à sa parole :

1. a) À la rigueur, Dieu aurait pu ne rien nous révéler de Lui-même et des magnifiques destinées que sa bonté nous réserve. Mais alors, nous aurions ignoré le pôle vers lequel est orientée notre existence, la valeur de nos efforts et les splendeurs de la récompense future. Sans désir, sans espoir du ciel, sans amour filial pour Celui qui nous le prépare, nous nous serions conduits en serviteurs craintifs d’un Dieu qui voulait être notre Père. Combien il est plus digne d’un être intelligent de posséder la claire conscience du but assigné à toute sa vie !

b) Au lieu de nous donner à croire les vérités dont Il daignait enrichir notre patrimoine, Dieu pouvait, du moins d’après plusieurs théologiens, nous fournir les éléments d’une démonstration rigoureuse. C’eût été fonder notre activité surnaturelle sur une conviction pareille à celles qui dirigent nos actes de l’ordre temporel et présent.

Pourquoi donc la révélation ? Parce que Dieu veut que nous sachions la vie supérieure dont Il nous gratifie, et le terme sublime où elle doit nous conduire.

Et pourquoi la foi ? Parce que Dieu la veut appuyée sur Lui, sur Lui seul, sur son autorité, cette connaissance qui nous mène à Lui ; parce qu’il veut être la Vérité qui éclaire notre activité surnaturelle, comme Il daigne être le Bonheur qui la couronne. Il est notre Ami : l’amitié dicte des confidences. Il est notre Père : l’enfant, incapable de voir et de juger par lui-même, commence par se fier à ses parents. Des forces divines sont mises en nous : par la foi, elles s’exercent sur un objet divin.

2. Tel est le rôle essentiel et principal de la foi et de la Révélation. En outre, elles nous fournissent le secours dont l’humanité a besoin, dans sa condition présente, pour posséder avec une certitude suffisante un ensemble assez complet des vérités morales et supérieures de l’ordre naturel.

3. La foi, c’est donc une ineffable rencontre de Dieu qui descend du ciel, et de l’homme qui, en s’abaissant sous Dieu, accepte de monter au ciel ; c’est une union de notre esprit avec la Vérité suprême et infaillible ; c’est une lumière qui nous garantit contre les pires erreurs.

Aucune de nos connaissances n’atteint un objet aussi élevé ; aucune n’est plus certaine ; aucune n’a un fondement aussi digne ; aucune ne met en jeu des forces aussi sublimes : celles de nos facultés supérieures, et celles de Dieu même, qui intervient par un concours spécial dans chaque acte de foi.

Sur les perceptions des sens nous réglons une activité qui nous est commune avec les animaux ; cent fois plus excellente, la vie rationnelle s’appuie sur les jugements de l’intelligence. Mais grâce à la foi, une vie supérieure à toute nature est fondée sur la parole de Dieu, l’infinie vérité. C’est la foi qui ouvre cette vie. À ceux qui n’ont pas reçu le baptême dans leur enfance, les premières grâces sont données pour les conduire à l’acte de foi et par lui à l’espérance et à la charité. Et cette aurore d’une vie divine en est aussi le dernier crépuscule. La triste nuit de la mort spirituelle ne s’abat complètement sur l’homme qu’avec l’écroulement de la foi. Tant que celle-ci subsiste, la forme divine n’est pas entièrement enlevée. Dans la fange du péché, Dieu distingue encore une étincelle latente de feu sacré prête à se raviver, quand une humble bonne volonté l’expose au soleil de la grâce. Telle la boue du puits dans lequel, au départ pour la captivité de Babylone, les prêtres avaient caché le feu sacré, jaillit, sous les ardeurs du soleil, en vive flamme, dévorant le bûcher et les viandes offertes en sacrifice (Ml 1, 19-22).

4. Tous les actes de foi se font au moyen des forces surajoutées par Dieu à notre nature. Bien plus, aucun d’eux ne s’accomplit sans une nouvelle et spéciale intervention de Dieu.

II. — Quelle reconnaissance est due à Dieu et quelle estime il nous faut professer pour le bienfait de la foi ! Ah ! qu’il serait triste de la perdre ! N’imitons donc pas la témérité de tant de chrétiens qui l’exposent à tous les dangers. Défendons-la en nous-mêmes ; veillons à la défendre en nos enfants et chez tous ceux qui dépendent de nous. À cet effet, favorisons par tous les moyens l’éducation et l’instruction chrétiennes ; arrachons des mains des pauvres et des petits les publications qui répandent le doute et la corruption.


 

III. — LA JUSTE FIERTÉ DE LA FOI

Croire est un honneur : nous devons être fiers de croire. Cette conclusion ressort, évidente, des considérations que nous venons de faire. Mais cette fierté, que réclame-t-elle ?

1. Heureux de croire, nous professerons une entière adhésion aux dogmes de la foi, sans céder à un absurde respect humain qui nous diminue à nos yeux comme à ceux de tout homme sensé.

2. Jaloux de notre foi et de son honneur, nous userons d’un sage discernement pour distinguer la parole divine de toute affirmation humaine, et pour réserver à la première seule l’assentiment suprême de la foi. Assurément, comme Dieu ne saurait concourir à une fausseté, des points non révélés par Lui ne peuvent être l’objet que d’actes de foi apparents. Mais c’est trop encore de ces apparences. Et les rétractations qui nous font revenir sur des adhésions que nous pensions suprêmes, nous déconcertent nous-mêmes et sont de nature à scandaliser. Voilà pourquoi, sans passer à une défiance excessive, nous n’admettrons pas à la légère les interventions extraordinaires de Dieu dans les affaires de ce monde. Bien des sentiments intérieurs, bien des paroles et des pressentiments, bien des événements, en nous ou au dehors, paraissent des inspirations, des révélations ou des merveilles divines. Ne les acceptons comme telles qu’à bon escient, et n’exagérons pas la certitude de la conclusion où nous conduit un examen diligent. Ne convertissons pas la probabilité en évidence, ni l’évidence humaine en assurance divine.

N’oublions pas non plus que l’Église ne propose pas à notre foi les faits merveilleux non contenus dans le dépôt de la révélation. De pieuses croyances ne sont pas couvertes par l’infaillibilité de l’Église, pour avoir été permises et encouragées. Si elles donnent naissance à une fête, il y aura lieu de distinguer l’objet du culte, fondé sur une raison théologique permanente, et l’occasion, peut-être transitoire, qui a déterminé telle ou telle manifestation de piété.

Cette sage prudence nous fera échapper aux mécomptes, sans favoriser un demi-scepticisme inconciliable avec la simplicité d’une foi vive. Elle nous permettra d’admettre sur des preuves humaines les faits nouveaux du monde surnaturel, et nous sauvera de tout scandale, de tout pénible froissement, si des récits même longtemps accrédités paraissent ensuite dénués de base historique sérieuse.

COLLOQUE

Dans ce colloque, suavement ravis de l’honneur de croire, nous pourrions réfléchir aux paroles de l’Église : « Seigneur, vous servir, c’est régner ! » Après avoir accepté avec une profonde gratitude de devenir grands par notre soumission à notre Créateur, demandons-Lui par Marie et son cher Fils, de protéger notre foi, et de développer en nous les dispositions d’humilité et de prudence qui nous assurent le bonheur d’une foi éclairée et sincère. Ave Maria !