LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

VINGT-DEUXIÈME SAMEDI

L’espérance de la Mère de Dieu :
La nature et l’objet de cette espérance.

Plan de la méditation. — Il est très utile aujourd’hui de rappeler, non seulement le bonheur, mais le devoir de l’espérance. Notre époque, si hardie dans ses doutes, est timide jusqu’à l’excès dans ses espoirs. Ou, pour mieux dire, c’est parce qu’elle est ébranlée dans sa foi, qu’elle l’est aussi dans sa confiance. Pour nous, tâchons de nous établir à jamais, suivant l’exemple de Marie, dans l’inexpugnable citadelle de l’espérance en Dieu. La première méditation sur cette vertu nous entretiendra d’abord, de la nature et l’objet de l’espérance en général ; ensuite, de l’objet des espérances de la Sainte Vierge ; enfin, de l’objet de notre espérance.

MÉDITATION

« Non erit impossibile apud Deum omne verbum. » (Lc 1, 37).

Rien n’est irréalisable de la part de Dieu.

1er PRELUDE. — Voyons la maison de Nazareth. L’ange Gabriel est en présence de Marie. Celle-ci accepte de devenir Mère de Dieu.

2e PRELUDE. — Demandons ardemment au bon Dieu, que, profondément touchés du mérite de l’espérance, nous coopérions à la grâce, en pratiquant une aussi précieuse vertu.

I. — LA NATURE ET L’OBJET DE L’ESPÉRANCE
EN GÉNÉRAL

I. — 1. Dieu a fait à l’homme des promesses d’une libéralité infinie, où brille depuis la chute originelle, une magnifique miséricorde. Ces promesses nous sont connues par la foi. Appuyée sur la fidélité de Dieu, l’espérance nous fait attendre fermement de Lui, par les mérites de Jésus-Christ, la vie éternelle, et tous les moyens requis pour nous y faire parvenir.

Le motif de l’espérance est un attribut divin : l’inviolable fidélité de Dieu à ses promesses.

L’objet principal de son attente, celui auquel tout est rapporté, c’est Dieu encore, dont la possession constitue la félicité essentielle de l’éternité. Voilà pourquoi l’espérance est une vertu théologale : Dieu lui-même en est la cause immédiate et l’objet.

La fermeté de l’attente est absolue du côté de Dieu. Nous pouvons manquer aux conditions ; Dieu ne manquera pas à sa parole.

Pour faire comprendre le lien qui rattache l’espérance à la foi, on pourrait dire aussi bien que par l’espérance nous attendons de Dieu tout ce que la foi nous dit avoir été promis par Lui. En effet, toutes les promesses de Dieu sont relatives à la vie éternelle ou aux moyens, soit généraux soit particuliers, de l’obtenir.

2. Mais l’objet de l’espérance est si grand, qu’il est naturellement inaccessible. Il est si impossible d’obtenir ce bien qui est Dieu possédé en Lui-même, que, loin de pouvoir y atteindre par nos propres forces, nous ne concevons même pas la secrète manière dont la Toute-Puissance divine nous élèvera si haut. C’est ici qu’apparaît le mérite de l’espérance.

a) L’espérance est un éclatant hommage rendu à la puissance, à la bonté, à la loyauté du Créateur : hommage poussé à ce point, que, dans le sens expliqué plus haut, il compte sur l’impossible. En espérant, je dis à Dieu : « L’impossibilité apparente ne m’arrête pas, ô mon Dieu, car votre puissance s’étend au-delà de tout ce que je puis connaître, mon indignité ne me retarde pas, car votre miséricordieuse bonté daigne l’oublier, pour me rendre heureux : Vous pouvez, Vous voulez Vous donner à moi ; Vous le ferez, car votre parole ne saurait être prise en défaut. Ma devise est celle de l’ange : Rien n’est impossible à Dieu ».

b) L’espérance est ensuite un éclatant hommage rendu aux mérites du Christ et à la valeur de sa Rédemption ; c’est par ces mérites et cette Rédemption que nous attendons tout. L’âme de celui qui espère se montre humble par ce côté : elle renonce à fonder son bonheur sur elle-même.

3. Désespérer, au contraire, c’est se dérober devant l’effort imposé par Dieu, ou proclamer cet effort inutile et vain. Se dérober devant l'effort, quelle injure à Dieu, dédaigné comme un bien trop vil pour être acquis au prix de quelque peine ! Proclamer l’effort inutile, quelle injure à la  puissance ou à la fidélité divine ! N’est-ce pas équivalemment affirmer que Dieu ne saurait nous élever jusqu’à Lui, ou qu’il nous trompe en le promettant ! Qu’il est donc grand le péché de l’homme qui cesse d’espérer !

II — Comprenons à la fois le mérite et le devoir de l’espérance ; et rendons grâce à Dieu qui fait du sentiment le plus suave une consolante nécessité. Oh ! commandement du plus aimant des pères !

III — L'OBJET DES ESPÉRANCES
DE LA MÈRE DE DIEU

I. — Marie eut, comme nous tous, à espérer les biens de la vie future. Mais à côté de ces espérances communes, les espérances propres de la Sainte Vierge impliquaient trois impossibilités sur lesquelles nous voudrions appeler l’attention.

1. Pour comprendre la première, il faut se ressouvenir du profond sentiment de sa bassesse personnelle, qui partout accompagnait Marie. Elle, qui n’est vraiment rien à ses yeux, se trouve choisie pour devenir tout ce qu’il y a de plus grand au monde, pour revêtir une dignité dont personne autant qu’elle ne comprenait l’immensité. Comment célébrer une espérance assez forte pour franchir l’abîme qui, aux yeux de l’humble jeune fille, la séparait d’une Mère de Dieu ? Telle fut l’espérance de Marie. « Dieu, chante-t-elle, a regardé la bassesse de sa servante ! » (Lc 1, 48)

2. Vierge, elle se voit promettre une maternité qui respectera sa virginale fraîcheur. Nouvelle impossibilité, dont triomphe son espérance : « Rien n’est impossible à Dieu ! » (Lc 1, 37)

3. Tout obscure et petite qu’elle se trouve être, elle doit espérer non pas une place quelconque au ciel, mais celle qui convient à sa dignité, la toute première ! Il lui faut donc, Dieu le veut, avec le secours divin, exercer une vertu assez éminente, pour la porter au-dessus des séraphins ! Cette tâche impossible, Marie l’assume avec une égale confiance.

II — Efforçons-nous, par une considération attentive, de bien saisir la haute espérance de l’humble Vierge, pour l’admirer et l’imiter.

III. — L’OBJET DE NOS ESPÉRANCES

Nous avons, nous aussi des impossibilités à attendre et à réaliser.

1. L’impossibilité du devoir. Quelles que soient, d’une part, les obligations de notre état, et d’autre part notre faiblesse et les difficultés engendrées par une longue indolence, nous devons fermement espérer l’accomplissement de notre devoir, compter sur le secours nécessaire, ne pas douter de la grâce.

Devant la sublimité de notre vocation, nous ne devons pas reculer. Pleinement espérer, c’est attendre de Dieu la sainteté elle-même !

2. L’impossibilité de la résurrection. Rappelons-nous les sourires moqueurs qui accueillirent saint Paul, quand, devant l’Aréopage, il parla de la résurrection des corps (Ac 17, 32). Une secte juive, celle des Sadducéens, osa même contester ce dogme. Et vraiment, à chaque effondrement d’une existence humaine, en face d’un cadavre, on éprouve une impression d’impossibilité. Une vie immortelle pleine de gloire va-t-elle jamais ranimer cette masse inerte, tombée de tout son poids, après les courtes années d’une chancelante vie ?

Malgré cela, il nous faut espérer la résurrection. Comme saint Paul insiste sur cet objet de l’espérance ! (1 Co 15, 12-32)

3. L’impossibilité de la gloire éternelle. Quelle vraisemblance, encore, que nous, si rivés à la terre par toutes nos pensées et par nos désirs, nous soyons un jour trouvés dignes de la gloire et du bonheur de Dieu Lui-même !

Derechef nous devons fermement attendre ce bien, et marcher vaillamment à sa conquête. Sur la parole de Dieu, en avant !

COLLOQUE

Saint Paul nous dit : « Ne vous attristez pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4, 12). N’avoir pas d’espérance ! Se peut-il rien concevoir de plus navrant ? C’est le sort des incrédules, d’après ce témoignage de saint Paul. Ayons-en profondément pitié ! Bénissons le Seigneur, par Marie, de nous avoir donné et commandé l’espérance ; et terminons par un acte fervent de cette excellente vertu. Salve Regina,... spes nostra, salve ! Salut, ô Reine,... ô vous, notre espérance, salut !