LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

VINGT-QUATRIÈME SAMEDI

L’espérance de la Mère de Dieu :
Les épreuves de l’espérance.

Plan de la méditation. — Rien ne seconde la persévérance comme la prévision des difficultés jointe à celle des moyens de les surmonter. A cette fin, nous allons réfléchir sur les épreuves de l’espérance ; après avoir considéré leur raison d'être, nous les verrons sillonnant la -vie de la Sainte Vierge, puis notre propre vie.

MÉDITATION

« Induti loricam fidei et caritatis, et galeam, spern salutis, quoniam non posait nos Deus in iram, sed in acquisitionem salutis per Dominum Nostrum lesum Christum. » (ire Épître aux Thessaloniciens, 5, 8 et 9).

Prenons pour cuirasse la foi et la charité, et pour casque l'espé­rance ; car Dieu ne nous a pas destinés à éprouver sa colère mais à obtenir le salut par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

1er Prélude. — Représentons-nous Marie au pied de la croix.

2e Prélude. — Demandons la grâce de pouvoir victorieuse­ment traverser les épreuves de l’espérance.

I. — LES ÉPREUVES DE L'ESPÉRANCE :
LEUR RAISON D’ÊTRE

I. — Dieu se plaît à éprouver l’espérance de ceux qui Lui sont chers. La vie d’Abraham, telle qu’elle est retracée dans la Sainte Écriture, nous offre un exemple remarquable de cette conduite de Dieu. Une descendance innombrable est promise à ce patriarche, promise en Isaac ; et cependant, il reçoit l’ordre de sacrifier l’héritier des promesses. Au moment où il lève le bras pour frapper, ce père ne semble-t-il pas ruiner de sa propre main l’espérance qu’il garde au cœur ?

Que de fois, dans la vie des saints, nous voyons leurs plus chers projets compromis par la contradiction, au point paraître anéantis ! Eux également sont quelquefois obligés de porter le coup fatal à l’œuvre qu’ils pensaient accomplir à la gloire de Dieu.

II. — Pourquoi de pareilles épreuves ? Dieu ne permet rien qui ne puisse Le glorifier et nous être utile. Combien plus belle, plus éclatante, l’espérance de l’homme dont on peut dire : Contra spent in spem credidit : Il espéra contre toute espérance (Rm 4, 18). Le fondement de la véritable espérance est la foi. Or, quand tout semble sourire à nos projets et préparer l’événement attendu, savons-nous quels sont nos appuis ? Ces apparences favorables, ou bien Dieu ? Assurément, les créatures et leur action viennent de Dieu, ne subsistent que par Lui. Mais cette dépendance essentielle des créatures échappe souvent à notre attention, et nous nous reposons sur le néant, alors que nous affirmons ne nous fier qu’à Dieu. Au contraire, quand, humainement parlant, tout croule, alors nous pouvons contrôler la sincérité de notre espérance. Si celle-ci demeure ferme, quel beau spectacle pour les anges et les hommes ! Sommes-nous ébranlés, nous constatons un défaut de notre espérance. Sans nous décourager, tentons un nouvel essai avec plus de vigueur. La défaite spirituelle ne sera pas définitive.

II — LES ÉPREUVES DE L’ESPÉRANCE
DANS LA VIE DE LA SAINTE VIERGE

I — 1. Une lecture assidue de la Bible rendait familières à Marie les annonces prophétiques de l’avenir d’Israël. Quelles magnifiques destinées étaient promises à ce peuple ! Mais comme elles contrastaient avec la réalité ! Jusqu’à l’avènement du Messie, le sceptre ne devait pas sortir de Juda ; et ce royaume, déjà tributaire des Romains, était sur le point de finir, alors que rien ne préparait une glorieuse revanche. Tout annonçait la ruine et la déchéance, où tout devait être gloire et résurrection.

1. Son divin Fils naissait comme Sauveur universel. Or, voilà qu’il rencontre la contradiction et l’incrédulité jusque dans sa famille ; et sa carrière, à peine éclairée de la lueur de quelques succès momentanés, se termine par la défaite, en apparence définitive, de la croix. N’oublions pas ici de considérer la passion et la croix du Sauveur, non pas telles qu’elles nous apparaissent, illuminées des clartés du triomphe sur la mort ; mais, pour saisir toute la profondeur de l’espérance de Marie, revivons les heures et les jours d’angoisse, pendant lesquels affluaient auprès de la Mère de Dieu les nouvelles de plus en plus désolantes, avec les appréciations pessimistes que pro­voquaient la haine des prêtres, la peur des disciples et l’oubli du peuple entier. Ah ! comme ceux qui désespéraient paraissaient avoir raison ! Abraham, lui, du moins ne vit pas tomber la tête de son cher fils. Sous les yeux de Marie, le voile de la mort s’étendit pleinement sur le corps et le visage de Jésus, et, semblait-il, sur sa mission elle-même. Ajoutons encore que tout ce que l’affection fait éprouver de peine, augmente la propension au découragement.

I.— Sur la grandeur d’un désastre ainsi compris, mesurons l’espérance de la Vierge. Elle nous apparaîtra magnifique et digne de toute admiration. Nous féliciterons Marie, et nous rendrons grâces à Dieu.

III. — LES ÉPREUVES DE L’ESPÉRANCE DANS NOTRE VIE

Les épreuves sont d’ordre public et d’ordre particulier.

I. 1. Épreuves d'ordre public. Nous représentons une cause destinée à triompher. Quels sont pourtant les présages d’avenir qui se dégagent des circonstances actuelles ? L’atmosphère ambiante est antichrétienne ; l’audace et la force sont au service de l’irréligion (« Ce qui manque surtout à la société moderne, c’est l’énergie du bien». Montalembert, Œuvres polémiques, t. 2, p. 226.) ; l’on dirait que la timidité et l’hésitation caractérisent trop souvent les partisans du Christ et les défenseurs de l’Église. On parle de défections multiples, jusque dans les rangs du 'clergé ; l’apostasie officielle paraît un fait accompli. Et combien s’imaginent entendre sonner le glas de notre foi ! Notre allure semble être, non pas celle de conquérants, mais de vaincus qui lâchent pied et reculent !

2. Épreuves particulières. Que de raisons semblent faites pour nous décourager ! Tandis que l’espérance porte sur des biens éloignés et invisibles, des voix contraires s’élèvent en nous qui nous présentent des jouissances palpables et actuelles, l' i leur puissance d’entraînement se trouve augmentée par l’exemple d’une foule d’hommes qui se laissent séduire. A cette épreuve de la sensualité et de l’exemple d’autrui s’ajoutent de fréquents désastres intérieurs, des infidélités ou même des péchés, qui nous portent à laisser tomber les bras de lassitude et de découragement. La vertu chrétienne nous est-elle possible ? Que dire de la perfection ? Qui sommes-nous pour y tendre, pour y parvenir !

II. — Cependant Dieu nous dit d’espérer, d’espérer la vertu et même la perfection. Et si nous espérons, nous atteindrons le but. Répétons la parole si formelle : Spes non confudit. L’espoir ne confond point (Rm 5, 5). Dieu nous annonce le jour où les justes relèveront la tête ; où les impies seront livrés à une confusion publique et irrémédiable. Comptons sur cet avenir : il y va de nos plus chers intérêts.

COLLOQUE

Supplions Marie, au pied de la croix, de nous communiquer quelque chose de son invincible espérance. Salve, Regina,... Spes nostra, salve. Salut, ô Reine ! Ô vous, notre espérance, salut !