LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

HUITIÈME SAMEDI

Les vertus infuses et les dons de la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — Dans cette méditation, nous continuons, après une interruption amenée par l’utile parallèle entre la grâce habituelle et la maternité divine, l’examen des glorieuses faveurs rattachées à cette maternité. Dans trois points successifs, nous verrons la raison d’être générale des vertus infuses et des dons du Saint-Esprit ; la libéralité avec laquelle ils furent octroyés à Marie ; enfin leur infusion en nous-mêmes.

MÉDITATION

« Induit me vestimentis salutis et indumento iustitiae circumdedit me,... quasi sponsam ornatam monilibus suis ». (Is 61, 10).

Le Seigneur m'a revêtue de vêtements de salut ; Il m’a couverte du manteau de la justice, comme une épouse parée de ses pierreries.

1er PRELUDE. — Reportons-nous, dans l’humble demeure de Nazareth, à ce moment où l’Ange proclame Marie pleine de grâce.

2e PRELUDE. — Demandons instamment la faveur de comprendre mieux les magnifiques avances de notre Créateur et Père, afin de Le servir plus généreusement et plus filialement.

I — LES VERTUS INFUSES ET LES DONS DANS LE PLAN DIVIN

I. — Ce ne fut pas assez pour le Dieu de toute bonté de nous appeler à un bonheur auquel nous n’avions ni titre ni capacité. Voulant encore nous réserver l’honneur et l’immense satisfaction d’y tendre par nos propres efforts, Il nous pourvut d’une activité proportionnée à une fin aussi magnifique. Tout nous faisant défaut, Il suppléa tout des trésors de sa Puissance, de sa Sagesse et de son infinie Libéralité. Il surélève d’abord notre nature elle-même par la grâce sanctifiante ; puis, à chacune des différentes facultés par lesquelles agit notre nature, Il ajoute des puissances nouvelles d’ordre supérieur afin que, dans ses actes eux-mêmes, dans la valeur et la dignité du principe d’où ils émanent, l’on puisse voir la fin sublime à laquelle ils vont aboutir. Ce sont là les vertus infuses (Infuses, par opposition aux vertus acquises, qui sont des habitudes résultant naturellement de la répétition fréquente d’actes bons de même espèce.). Nous en sommes gratifiés, tandis que coule sur nous l’eau du saint baptême, ou lorsque nous recevons en nous la grâce habituelle et la charité.

Revêtu de dignité et sanctifié, le chrétien est pour le Saint-Esprit un temple, acquis au prix du sang du Christ. Cet hôte divin en descendant dans nos âmes, peut-il ne pas nous apporter ses joyaux ? Ce sont des dons, nouveaux ornements de nos âmes, armes nouvelles, destinées à nous préparer aux actions d’éclat, à faire briller dans nos œuvres le Saint-Esprit, qui en est le principe caché ; à nous communiquer une admirable promptitude pour voler partout où le souffle de l’Esprit nous portera. Par le don de crainte, Il nous inspire une vive appréhension de déplaire à Dieu ; le don de piété nous fait nouer avec Dieu le doux commerce des enfants avec leur père, et ce Dieu nous est mieux connu par le don de science ; la force du Saint-Esprit nous rend triomphants des plus grands obstacles, l’intelligence nous communique un précieux discernement, le don de conseil nous guide sûrement dans les détails de notre conduite, la sagesse, enfin, nous donne un point de vue divin pour apprécier toutes choses (Voyez les notions plus précises que nous donnons dans les méditations pour la Quinzaine de la Pentecôte.).

Enrichis de la sorte, nous voyons augmenter ces trésors dans la mesure où nous correspondons aux grâces de Dieu. À la vérité, si nos propres actes fortifient et développent les habitudes qu’ils font naître, ils ne sauraient augmenter l’intensité des dons gratuits ; mais notre Père céleste, attentif aux lois de notre nature, daigne Lui-même y conformer sa providence surnaturelle : à l’occasion de nos actes bons, Il renforce et amplifie les vertus qu’il a répandues en nous.

II — 1. La vue de tant d’avances divines n’arrache-t-elle pas à notre cœur l’exclamation du Psalmiste (Ps 8, 5) : « Qu’est-ce donc que l’homme pour que vous daigniez ainsi vous souvenir de lui ? » et ne vous fait-elle pas reconnaître la vérité de cette parole de limitation (Livre 4, c. 13) : « Nulle créature n’est chérie comme une âme dévouée à Dieu ! »

Reconnaissons la sainteté dont nous sommes oints ; elle engendrera envers le plus pauvre des vrais chrétiens, un sentiment de respect profond et mérité.

Ne sommes-nous pas tenus de porter nos regards vers les cimes supérieures, de concevoir de nobles désirs, de tenir un noble langage, d’accomplir de nobles actions ?

II — LES VERTUS INFUSES
ET LES DONS DE MARIE

I — 1. Les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit entrent comme des éléments essentiels dans la constitution de la sainteté. Ils furent donc, dès l’abord, communiqués à Marie en ce degré suréminent qui convenait à la Mère de Dieu, à l’épouse préférée du Seigneur.

Placée, dès ses débuts, sur les plus hauts sommets, Marie cependant pouvait progresser. Ces progrès sont en rapport avec les grâces. Marie épuise celles-ci par sa parfaite fidélité. Qui donc la suivra dans ses rapides ascensions ; quel œil pourra la contempler atteignant des hauteurs où notre regard ne porte pas ?

II — Payons encore une fois à notre Mère le juste tribut de notre admiration. Mais, afin de lui plaire, renouvelons le propos de progresser nous-mêmes. Devant nous, s’étend un champ indéfini. N’appréhendons pas d’accélérer notre course. Pourquoi conserver à l’état de petit feu couvant sous la cendre, ce qui pourrait avoir l’ardeur et l’activité irrésistible de la flamme d’un immense foyer ? Pourquoi la lenteur, quand la rapidité est ici une condition de sécurité ? Oh ! langueur découragée, qui enlève à la vie sa fraîcheur et son lustre, et compromet de si grands biens ! Secouons notre fatale indolence.

III — LES VERTUS INFUSES
ET LES DONS EN NOUS

I. — Quelle merveille de contempler ces richesses en Marie, Mère de Dieu ; quelle merveille plus grande de les contempler en nous-mêmes ! Voilà pourtant une vérité. Tous ces présents divins, à un moindre degré, sans doute, mais substantiellement les mêmes qu’en la Mère de Dieu, se retrouvent en moi !

Ils sont en moi. Puis-je le dire ? Oui, si je ne les ai pas perdus par le péché. Oh ! les ruines qu’accumule notre infidélité ! Cessons donc de mesurer nos fautes à la seule peine possible de l’enfer ; mesurons-les aux bontés de Dieu qu’elles méconnaissent, et à l’œuvre de Dieu qu’elles gâchent en nous.

Ils sont en moi. Mais comment ? À l’état de trésor enfoui, ignoré, de capital presque stérile ? Est-ce ainsi qu’il les faut traiter ?

II — Sans préoccupation trop inquiète, mais avec une force courageuse, décidons-nous à leur faire honneur.

Dans les revers et les peines, que le souvenir de ces biens nous console. Dans le bonheur, que ce même souvenir modère notre contentement : le concurrent dont nous triomphons est peut-être plus véritablement riche que nous. En toute circonstance, puisons dans ce souvenir de quoi relever nos aspirations, notre vaillance, pour nous faire opérer grandement le bien.

COLLOQUE

Figurons-nous entendre Notre-Seigneur, nous redire comme à la Samaritaine : « Si vous saviez le don de Dieu ! (Jn 4, 10) » Nous avouerons notre ignorance pratique ; et nous supplierons le Sauveur, par sa sainte Mère, de chasser les ténèbres de notre esprit et de bannir la mollesse de notre cœur, afin que, bien efficacement, nous puissions Lui offrir la résolution de faire constamment croître en nous les vertus et les dons de Dieu. Ave Maria !