LES SAMEDIS DE LA VIERGE MARIE
LES GRÂCES DE MARIE

NEUVIÈME SAMEDI

Les dons préternaturels de la Mère de Dieu.

Plan de la méditation. — À la beauté surnaturelle de la grâce qui ornait l’âme de nos premiers parents, Dieu avait joint des dons d’ordre inférieur, mais encore au-dessus des exigences de notre nature. Superbe revêtement de leur personne, beauté nouvelle et charme délicieux répandus sur leur existence même terrestre, ces dons sont qualifiés de préternaturels. C’étaient l’affranchissement de la mort, l’exemption de la souffrance, l’intégrité, c’est-à-dire l’immunité de la concupiscence et des mouvements déréglés des passions. A ces trois dons s’ajoutait, suivant le sentiment des théologiens, une admirable science infuse impliquant une connaissance extraordinaire même des choses de ce monde. La part de ces dons qui échut à Marie nous suggérera de très utiles considérations. Marie et la souffrance ; Marie et la mortalité ; Marie et les dons d'intégrité et de science : telle sera la matière de nos trois points.

MÉDITATION

« Deaurabis auro mundissimo intus et foris. » (Ex 25, 11).

Vous recouvrirez l’arche d’alliance d’un or très pur à l’intérieur et à l’extérieur.

1er PRELUDE. — Voyons, dans la maison de la Sainte Vierge, l’ange Gabriel qui salue Marie pleine de grâce.

2e PRELUDE. — Demandons instamment de mieux connaître notre Mère, et d’apprendre d’elle à mettre pratiquement la vertu au-dessus de la jouissance.

I — LA SAINTE VIERGE ET LA DOULEUR

I — Si les dons préternaturels étaient un fruit propre de l’état d’innocence, si le péché qui nous les fit perdre pouvait seul en justifier la privation, il est clair que Marie, souverainement exempte du péché originel, aurait recommencé ici-bas la vie heureuse du paradis. Mais aucune nécessité rigoureuse n’exigeait que la plus innocente des créatures fût affranchie des misères de notre condition présente. À Dieu la décision, dans les libres conseils de sa sagesse. Que fit-il ? Parmi les prérogatives d’Adam, les unes, sans ajouter à sa perfection morale, rendaient sa vie plus délicieuse ; les autres rehaussaient sa valeur morale, réalisaient un idéal de plus parfaite justice, et augmentaient les facilités du bien. Ni à l’humanité du Christ ni à la Mère de Dieu n’échurent sur la terre les dons de pure jouissance ; mais ceux qui étaient comme un complément de perfection leur furent assurés avec la grâce originelle. Le Christ connut la souffrance, Il fut le Roi des martyrs ; Marie connut la souffrance, nous l’invoquons comme la Reine des martyrs.

II — Combien les conseils de la sagesse divine diffèrent des jugements des hommes ! Ceux-ci apprécieraient, rechercheraient surtout ces exemptions de la peine, cette félicité présente qui furent refusées à Marie ; tandis qu’ils feraient assez bon marché des dons qui furent l’apanage de Marie, et qui durent l’être, parce qu’ils sont l’achèvement de la justice et le moyen presque indispensable pour une vie parfaitement pure.

Cependant, qui a raison ? De combien la préoccupation de l’honnête ne l’emporte-t-elle pas sur celle de l’agréable ? Que laisse après elle une satisfaction passagère, alors que des fruits éternels peuvent éclore dans la douleur ?

Tâchons de parvenir là où tant de saints se félicitent d’être arrivés ; efforçons-nous de vivre sans rechercher les satisfactions présentes, portant toutes nos affections sur les biens à venir.

II. — MARIE ET LA MORT

I. — La mort, dit l’Apôtre, est le salaire du péché (Rm 6, 23). À ce titre, Marie ne devait pas mourir. Plusieurs ont pensé et pensent encore que l’union si harmonieuse de l’âme et du corps de Marie ne fut effectivement pas dissoute par la mort (« On ne sait pas, déclare S. ÉPIPHANE, comment Marie est morte ni même si elle a subi la mort. » (Hacres, 78, n. it, M. P. G., t. 42, col. 715).). La plupart cependant concluent de la mort du Christ à la mort de la Mère ; et cette persuasion est générale dans le peuple chrétien.

Mais cette mort ne ressembla pas à la nôtre. Marie put mourir, parce qu’un être composé n’a en lui aucun principe d’immortalité ; elle mourut en effet, parce que, dans cette humiliation elle-même, la Mère ne devait pas se séparer du Fils. Notre mort est une peine, une expiation, la mort de Marie n’a aucun caractère pénal ; nous mourons comme sujets à la mort, Marie n’est pas soumise à cet empire : sa mort est un partage sublime des destinées de son Fils, un trait qui achève la ressemblance du Fils et de la Mère ; la mort se présente à nous redoutable, précédée de pénibles maladies ; à Marie elle se présenta sans maladie, sans douleur, tranquille, douce, effet de l’amour, et aimable à cause du Christ.

II — Acceptons avec résignation la mort que Marie n’a pas refusée. Cette acceptation est méritoire. Et tâchons d’imiter en quelque chose la Sainte Vierge, en aimant, à son exemple, les peines, les douleurs, les humiliations, comme des traits de ressemblance avec notre doux Sauveur. Il est grand, l’amour du Christ, quand il donne des attraits aux choses les plus ingrates. C’est même un de ses plus beaux triomphes. Y songeons-nous, dans nos contrariétés et nos chagrins ?

III — MARIE ET LES DONS D’INTÉGRITÉ
ET DE SCIENCE

I — 1. Aucune tentation intérieure, aucune insubordination des passions, ne pouvaient retarder Marie dans son élan vers tout bien. Marie ne connut pas les révoltes de la concupiscence, ni ces demi-complaisances de la volonté pour le désordre moral.

Quelle fut la science de Marie ? Il est malaisé de préciser ce point. Rien ne prouve en Marie une science infuse des vérités humaines et profanes ; sa science des choses divines fut certes susceptible de progrès, puisque, au témoignage de l’Évangéliste, il y eut, dans la vie de Jésus, des mystères qu’elle recueillit en son cœur sans encore les comprendre (Lc 2, 50). D’autre part, il semble que, devant Marie, la route du bien dût s’ouvrir inondée de lumière. Elle était le siège de la sagesse éternelle. Des obscurités pouvaient-elles gêner sa marche ? À coup sûr, les raisons des plus hauts devoirs et l’art de les accomplir lui apparaissaient dans la plus vive clarté. À la plénitude de la science pratique du bien, ajoutons de magnifiques perspectives sur le monde surnaturel, et tout ce qu’une Mère de Dieu devait savoir. Là s’arrête notre investigation.

II — 1. Soumettons-nous humblement à la lutte et à la nécessité de l’effort. Par la prière et l’activité personnelle, efforçons-nous d’approcher de l’harmonieuse unité intérieure qui régnait en Marie. Pour cela même, comprenons bien où commence le désordre de nos passions. Les passions sont par elles-mêmes des forces secourables, mais elles nous gênent et nous contrarient, parce qu’elles n’attendent pas le commandement de l’appétit supérieur ; et parce que, dans leur impétuosité, elles passent la juste mesure. La bonne tactique consiste donc à ne pas les suivre dans leurs entraînements irréfléchis, et à maîtriser leurs impulsions, quand elles sortent des bornes de la raison. Il faut, à cet effet, les habituer à l’obéissance. Et comment ? En réagissant contre elles. C’est là une des utilités de la mortification. Combien l’homme qui guide ses passions est supérieur à celui qui s’en rend esclave !

La seule science directement importante, c’est la science pratique du bien. Pour y progresser, prenons nos décisions dans le calme ; et écoutons volontiers les voix impartiales qui nous disent la vérité, même celle qui nous humilie.

COLLOQUE

Cette méditation renferme des leçons pour notre vie et pour notre mort.

a) Courbons humblement la tête devant Dieu qui nous impose la peine et l’épreuve de la dissolution de notre être.

Et dans un véritable sentiment d’amour, après avoir invoqué Marie, disons à Dieu la prière indulgenciée par Pie X (Indulgence plénière à l’heure de la mort, pour tous ceux qui, après s’être confessés et avoir communié, auront, au moins une fois dans leur vie, récité cet acte dans un véritable sentiment d’amour envers Dieu. BENOIT XIV attacha ensuite une indulgence de sept ans et de sept quarantaines au renouvellement mensuel de cet acte. Depuis le décret de la S. Pénitencerie, du 28 juin 1927, cette seconde indulgence s’acquiert chaque fois qu’on renouvelle l’acte ; et l’emploi d’une formule déterminée n’est plus requis. Il suffit de dire en substance de bouche et de cœur ce que Pie X avait exprimé dans sa formule. Cfr Collatio Precum, etc. n. 308.) :

Domine Deus meus, iam nunc quodcumque mortis genus prout tibi placuerit, cum omnibus suis angoribus, poenis ac doloribus, de manu tua aequo ac libenti anima accipio.

Seigneur, mon Dieu, dès maintenant, j’accepte avec résignation et volontiers de votre main, n’importe quel genre de mort, suivant votre bon plaisir, avec toutes ses angoisses, ses peines et ses douleurs.

b) Offrons à Marie une vie d’ordre et de sagesse pratique. Ne nous souhaitons pas un bonheur actuel, mais la vertu. Salomon supplia le Seigneur de lui enseigner l’art de gouverner son peuple. Il plut à Dieu. Demandons celui de régner sur nos passions. Ave Maria !